Sonia a commencé par s’immerger dans la nuit catastrophique du 13 novembre 2015. Comme beaucoup de Français, elle regarde dans son appartement de Seine-Saint-Denis, le match amical de football France-Allemagne, qui se déroule au Stade de France. Trois terroristes explosent autour de la cour, mais le combat n’est pas interrompu. Soudain, un message apparaît à l’écran : avertit des attaques en cours. Sonia voit alors Hasna Aït Boulahcene, une séduisante femme de 26 ans que ce bénévole héberge pour “lui donner une seconde chance”, passer devant la télé “en riant, disant que c’était normal parce qu’ils étaient méchants”. Deux jours plus tard, Hasna, “fou de joie”, reçoit un coup de fil et une adresse pour se rendre à une mystérieuse réunion. “Un monsieur lui a demandé d’emmener son cousin de 17 ans qui avait des problèmes”, a déclaré Sonia à l’audience. En fait, c’est Abdelhamid Abaaoud. Hasna est jetée dans ses bras alors qu’elle émerge d’un buisson près d’un talus sous l’autoroute à Aubervilliers. Il se rend ensuite auprès de Sonia, qui a accompagné la jeune femme. “Il est arrivé, m’a serré la main, s’est présenté”, se souvient-il. Selon son témoignage, elle fait rapidement le rapprochement. « J’ai dit : ‘Avez-vous participé aux attentats ?’ Il a dit : “Oui, je suis les toits.” Je me suis figé, j’ai eu envie de me couper la main.” Sonia, témoin lors de l’audience Sonia discute et tente de convaincre Abdelhamid Abaaoud “qu’il a tué des innocents, que ce n’est pas l’Islam”. “Il m’a dit qu’on était des morceaux de pain blanc, qu’il voulait qu’on saute le matin quand il se lève.” Le coordinateur offensif et sur le toit du Bataclan la menace de représailles si elle dit quoi que ce soit. “Nous n’avons pas dormi de la nuit”, poursuit Sonia. Sa voix modifiée, aux touches métalliques de robot, résonne dans la pièce. Sa silhouette ombragée, double, bouge légèrement sur l’écran. Elle raconte sa décision d’appeler le numéro vert dédié aux attentats. “J’ai expliqué qui j’avais vu. Ils ne m’ont pas cru. J’ai menacé, j’ai insisté”, raconte-t-il. Enfin, il est entendu par les enquêteurs de la sous-direction du contre-terrorisme (Sdat) et leur donne une précision cruciale. “On m’a demandé si quelque chose m’avait marquée. J’ai dit : ‘Oui, ses baskets orange’. Ils m’ont apporté une photo. J’ai très bien reconnu Abaaoud”, explique Sonia. Cette paire de baskets orange fluo n’est pas anodine du tout : ce sont les chaussures que portait Abdelhamid Abaaoud sur les images de vidéosurveillance du métro le 13 novembre 2015, alors qu’il venait de participer aux attentats des terrasses de Paris. Ils seront retrouvés cinq jours plus tard, lors de l’attaque du Raid contre un immeuble de Saint-Denis où le commandant des commandos s’était réfugié. Une “stase” que les chercheurs identifient grâce à Sonia. Ce dernier a réussi à persuader Hasna Aït Boulahcene de lui donner l’adresse. “Le monsieur de Sdat m’a dit d’aller chercher une bouteille et de la faire parler et c’est vrai qu’elle a réussi”, révèle Sonia, qui décrit Hasna comme une jeune femme à “l’histoire chaotique” qui portait un niqab et en même temps temps a bu de l’alcool et fumé “. La blague vous fait sourire au milieu de son histoire choquante. Car au cours de cette conversation Hasna révèle que son cousin prépare des attentats contre un centre commercial à La Défense (Hauts-de-Seine). Sonia tremble de peur, mais rappelle aux enquêteurs : “Je dis à Sdat : ​​’Ça va arriver très bientôt, c’est jeudi qu’ils vont attaquer’”. “Votre geste a pu empêcher de nouvelles attaques”, a déclaré le président du tribunal spécial. Même ton de la part des avocats des partis politiques, qui la félicitent pour son courage. Mais le témoin apparaît comme une femme meurtrie. Alors que Samia Maktouf, avocate de nombreuses victimes des attentats, révèle que Sonia “s’est lavé les mains à l’eau de javel” après sa rencontre avec Abdelhamid Abaaoud, ce dernier avoue tout de même reproduire ce geste. “Je me suis senti trahi, je me suis senti sale. Vous savez, quand on serre la main d’un meurtrier… C’est comme si j’étais celui qui avait tué ces innocents, c’était dommage, une cicatrice que je garderai toute ma vie”, a-t-il déclaré. mentionné. Bien que suivie par un professionnel de santé, Sonia témoigne de la difficulté d’une vie normale. Il réveille les insomnies et le douloureux souvenir des crises, qui se ravive chaque année. “Mon psychiatre me fait comprendre que je suis aussi une victime, mais je ne veux pas être une victime, je ne veux pas prendre la place des victimes.” Sonia, témoin lors de l’audience Pourtant, les victimes veulent rendre hommage à cette femme. À la fin de son témoignage, il y a eu des applaudissements du côté civil. “Ce n’est pas l’endroit où aller”, a déclaré le président du tribunal spécial de Paris. Calme retrouvé, inhibe l’ouïe.