D’un côté, un chercheur super mémorable qui se souvient de tout, de chaque signe, de chaque téléphone. D’autre part, une femme qui a dû tout oublier, même sa propre identité. « SDAT 99 » travaillait à la sous-direction antiterroriste lors de la chasse à l’homme qui a permis la « neutralisation » d’Abdelhamid Abaaoud, le chef opérationnel des attentats du 13 novembre 2015. « Sonia » est la citoyenne qui a « donné » le terroriste et prix payé. Depuis, elle a changé d’état civil, de ville, de vie, pour rejoindre le programme de protection des témoins, qui a été conçu spécialement pour elle en 2016. A travers la narration de ces deux témoins, le tribunal correctionnel spécial de Paris a localisé, vendredi 8 avril, les cinq jours de surveillance fébrile qui ont évité un nouvel attentat après le 13 novembre. « SDAT 99 » est le premier à être déposé, en face à face. Planter le décor : le 14 novembre 2015, les enquêteurs parviennent à localiser la voiture commando qui a tué « 39 personnes en douze minutes » la veille sur les toits parisiens : abandonnée dans la nuit à Montreuil (Seine-Saint-Denis), aux portes de Paris . Dans la cabine des passagers, ils trouvent trois Kalachnikovs, 81 cartouches inutilisées et trois bouchers. L’un de ses occupants a déjà explosé dans le café “Comptoir Voltaire”, mais les deux autres ont disparu. Des images RATP révèlent que les deux hommes, Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh, non identifiés à l’époque, ont pris le métro après être sortis de leur véhicule. L’un d’eux porte des baskets orange. Ils ont atterri à Nation Station à 22h26, lors du massacre du Bataclan, avant de disparaître dans la nuit. Pourquoi les deux terroristes ont-ils abandonné leurs armes et leur véhicule la nuit des attentats ? C’est l’un des grands mystères de cette archive.
Témoignage de précaution
“Quelque chose ne s’est pas passé comme prévu, le duo a été arrêté au milieu d’un périple meurtrier”, raconte SDAT99. Quand on regarde le trajet retour après l’attentat-suicide du Comptoir Voltaire, le véhicule fait tout : il fait trois fois le tour de la place de la Nation et emprunte des directions interdites avant d’atteindre la porte de Bagnolet. Le duo abandonne alors les armes à Montreuil, qui est totalement inégalé pour les candidats au martyre. Selon l’enquêteur, un attentat était prévu à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, où un terroriste l’avait “surveillé” quelques heures plus tôt. Dès lors, il fait deux hypothèses : soit un imprévu de dernière minute fait dérailler le projet, soit les deux hommes se perdent aux portes de Paris en se rendant à l’aéroport : « La Porte de Bagnolet est un échange monstrueux, il est facile de Va te faire cuire un œuf. On imagine le duo se perdre et atterrir à Montreuil. » Il ne vous reste plus qu’à lire 67,9% de cet article. Ce qui suit est réservé aux abonnés.