Salah Abdeslam connaît la valeur de ses paroles et a appris à gagner de l’argent pour obtenir l’audience dont il a besoin. Il y a deux semaines, il a exercé son droit au silence lors de la journée la plus attendue depuis le début du procès du 13 novembre : son interrogatoire le soir des attentats. Mercredi 13 avril, alors que le tribunal spécial de Paris devait l’entendre pour la dernière fois sur les événements qui ont suivi les attentats, le seul rescapé des commandos a donné l’audience dans une dimension sans méfiance avec une phrase : « Je vais m’exprimer aujourd’hui. » Salah Abdeslam ne s’est pas contenté de s’en tenir à l’ordre du jour initial de cet interrogatoire, qui couvrirait les heures et les jours après les attentats. Après six ans de silence et sept mois de discussions, il a choisi son jour pour nous livrer ce que nous attendions et n’espérions plus : le premier récit détaillé de “notre” 13 novembre. Il a précisément révélé quelle était sa mission cette nuit-là : un attentat-suicide dans un bar du 18e arrondissement de Paris, qu’il a abandonné à la dernière minute, dit-il, par « humanité ». Lire aussi : Article pour nos abonnés Salah Abdeslam entre silence et confidences lors du procès du 13 novembre
Avant les premières questions du président, l’accusé a tenu à expliquer son revirement : “Si j’ai exercé mon droit au silence, c’est parce que je ne me sentais pas écouté. Je comprends que l’exercice qui est celui du terrain n’est pas facile. Mais je pense que depuis le début de cette affaire, les gens n’ont pas été capables d’accepter la personne que je suis vraiment. On a cette image de moi faite par les médias, qui ne correspond pas à ce qu’on voit aujourd’hui, et ça me dérange. Je décide de m’exprimer car c’est la dernière fois que j’en ai l’occasion…” Désormais les questions du tribunal n’ont plus d’importance. Salah Abdeslam a obtenu l’audience qu’il attendait. Pendant près de deux heures et demie, il livrera sa “vérité”. Le “combattant” autoproclamé de l’organisation Etat islamique (EI) qui a jeté dans la boîte au début du procès a cédé sa place à un accusé pondéré, comptant chacun de ses mots, calculant ses conséquences. Seule son histoire compte désormais. Salah Abdeslam a apprivoisé son procès.

La Genèse : “J’ai dû aller en Syrie”

Pour clarifier sa version des faits, l’accusé entend d’abord revenir sur la genèse de sa mission. Nous sommes à neuf mois des attentats : le frère aîné de Brahim, futur kamikaze du “Comptoir Voltaire”, vient de rentrer d’un bref séjour en Syrie, où il a vu son ami Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur des attentats. Il ne vous reste plus qu’à lire 72,3% de cet article. Ce qui suit est réservé aux abonnés.