A tel point qu’au Cirque d’Hiver on se prend à rêver de se qualifier sur le fil pour le second tour de l’élection présidentielle. parmi les classiques “nous sommes ici” et “résistance” chanté par de jeunes révolutionnaires, certains osent maintenant chanter “Deuxième tournée, deuxième tournée”. Dans les couloirs de la salle on teste tous les calculs pour voir si ça peut passer. “Sur les 7 millions de votes qui restent à comptabiliser, le score de Marin Le Pen ne doit pas être supérieur à 10% et celui de Jean-Luc Melanson ne doit pas être inférieur à 36%.” glisse l’un des leaders pensants de la campagne. Il s’agit du rapport de force à Toulouse et à Marseille. La lueur d’espoir est apparue vers 22h45. Les résultats du second tour s’améliorent et voilà Mélenchon à moins d’un point du candidat du RN. Chez les révolutionnaires, on reste cool : “Si rien n’est annoncé, on attend” glisser sur Libérer l’un des plus proches du candidat. “Nous sommes comme vous, nous attendons” raconte Adrien Quatennens, qui court entre la salle des fêtes et les coulisses. Au fur et à mesure que la nuit avançait, la nouvelle se répandit. “Ne m’en parle pas, j’ai déjà beaucoup pleuré maintenant.” sourit un désobéissant à un ami. Chacun rejoint son groupe d’amis : « T’as vu, ça se resserre ? “Oui, mais bonjour, on attend de voir, répond Sarah, une militante parisienne. Si demain, on est au second tour, je donne 5 euros pour compenser la campagne Jadot”. Au fil du temps, l’espoir renaît. Impossible pour l’élu d’afficher son triomphe, mais l’état d’esprit a changé. Nous sourions, trinquons. Les eurodéputées Mathilde Panot, Danièle Obono et l’eurodéputée Manon Aubry s’embrassent. Devant la salle, les militants partis découragés se sont remis à chanter. Quel contraste avec l’ambiance de 20h…
Vin blanc sec
Nous n’avions pas le cœur à chanter alors. Quelques secondes plus tôt, les visages d’Emanuel Macron et de Marin Le Pen sont apparus sur les écrans de télévision. Jean-Luc Mélenchon a terminé à la troisième place avec près de 20,1% des voix (à réévaluer à 22,2% plus tard dans la soirée). « Mais comment est-ce possible ? Comment les Français peuvent-ils faire la même merde qu’en 2017 ? grince Marine, militante révolutionnaire de la première heure. Un autre, à 2 mètres de là, éclate en sanglots. Bégaye : “On est foutus, on ne peut pas remplacer encore cinq ans.” A côté d’elle, son partenaire termine son verre de vin blanc. “C’est pour prendre la pilule” respire. Au QG de @JLMelenchon on pleure deux fois : à l’annonce des résultats et après le discours du chef guérillero. Ici, beaucoup de gens n’ont pas pu retenir leurs larmes après le discours du candidat. “C’était merveilleux”, disent-ils. @libe pic.twitter.com/pDis9NiScU — Sacha Nelken (@SachaNelken) 10 avril 2022 Dans la salle parisienne, la nervosité culmine rapidement sous la frustration. “Je suis très en colère contre les gauchistes qui n’ont pas pu faire face, j’espère que tout le monde a honte” soupire la militante féministe Claudine Cordani, mettant de côté ses longs cheveux gris. Quelques instants plus tard, le communiste Fabien Roussel apparaît sur des écrans placés un peu partout dans la salle. Les guérilleros, qui l’accusent de ne pas se qualifier pour Melanson, le désapprouvent. “Macroniste !” lance même un militant plus agacé que les autres. Un quart d’heure plus tard, le même sort attend l’écologiste Yannick Jadot. “Ils ont du sang sur les mains” même une 30ara ose, les yeux rouges de tristesse.
“Nous sommes les castors”
Pourtant, quelques minutes avant l’Axe de 20 heures, nous avons trinqué, chanté, affiché de larges sourires. Les élus et membres du Parlement populaire issus des quartiers populaires ont tous fait le même constat : ils n’avaient jamais vu autant de monde dans les bureaux de vote pour ce premier tour de l’élection présidentielle. “Il y avait des files d’attente” a confirmé le député de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel. “A Nanterre, il y avait des files d’attente effrayantes aux urnes et, surtout, j’ai vu circuler des gens qu’on ne voit pas d’habitude.” syndicaliste Mornia Lampsi abondait. Suite aux résultats, l’ancien écrivain des Guignols Bruno Gaccio, d’habitude rieur, a l’air moche. “La victoire de Marin Le Pen est non seulement possible, mais aussi possible.” soucis, grignoter quelques cacahuètes. Forcément, on parle déjà du choix qui sera fait pour le second tour. “Nous sommes les castors, Gaccio continue, Les autres avec leur score en dessous de 5%, ne peuvent rien faire, nous sommes les seuls à pouvoir bloquer. Si LFI se mobilise, Macron gagne, si LFI ne se mobilise pas, Marin Le Pen gagne. Il a fait son choix mais refuse de le révéler. Farida, infirmière de 58 ans, a beaucoup moins de mal à dire ce qu’elle compte faire : “Je ne bougerai jamais, il est mort, je ne voterai pas Macron après le quinquennat qu’il vient de nous donner.” dit-il haut et fort.
“Ce n’est pas loin… Faire mieux”
A 20h38 précises, Jean-Luc Mélenchon apparaît sur scène, esquissant un sourire. Après avoir attendu quelques minutes que Marin Le Pen finisse son discours pour que le sien soit retransmis en direct, le député de Bush-du-Ron commence son discours : “Une nouvelle page de bataille s’ouvre. Vous l’aborderez, nous l’aborderons avec fierté pour le travail qui a été accompli”. Plein de lyrisme, il invoque les territoires d’outre-mer, la Méditerranée, avant d’aborder l’épineuse question du second tour. “Aucun vote ne doit être accordé à Marin Le Pen” sifflets, avant de demander à ses supporters de ne pas commettre “L’irréparable”. “Nous savons pour qui nous ne voterons jamais. Oui, c’est une déception. Mais nous sommes fiers du travail accompli. Le combat continue ! Tant que la vie continue, la lutte continue.” lance le candidat de l’Union populaire. “Nous avons construit de nos propres mains tant de fois sous le mépris et les insultes. La seule œuvre désormais est ce qui achève le mythe de Sisyphe. La pierre tombe dans le ravin, alors on la soulève. Vous êtes capable de mener la bataille. Melanson continue sous les applaudissements de la salle. Le chef rebelle trace alors ce qui ressemble à sa piété : “Eh bien, bien sûr, le plus jeune me dira : eh bien, nous n’en sommes pas encore là ! Ce n’est pas loin… Faire mieux. Les larmes coulent sur le visage de nombreux militants. On s’embrasse pour se réconforter. Au Siège de Mélenchon, ce soir, on aura pleuré deux fois : à l’annonce des résultats et après le discours d’adieu du patron. Avant que les sourires ne reviennent bientôt. Moderniser à 00h25 avec la deuxième partie de la nuit.