La plupart des archives d’Emanuel Macron dans les manuels d’histoire seront écrites en douze jours. Restera-t-il connu pour son incapacité à endiguer la montée de l’extrême droite en France ou comme le premier président de la Ve République à être réélu au suffrage universel hors période de cohabitation ? Face à cette démission ou dédoublement personnel et démocratique, un “Un moment décisif pour l’avenir de la nation”, comme il n’a pas hésité à le dramatiser lors de son allocution de dimanche après-midi, le chef de l’Etat sait qu’il ne peut se contenter de rapports “Dans l’humanisme, dans l’esprit des Lumières, dans le souffle de 1789” rassembler. Avec seulement 27,8% des suffrages au premier tour, sa position est tout sauf sûre face à un Marin Le Pen dynamique, fort avec 23,1% et les voix d’Eric Zemmour (7,1%) et de Nicolas Dupont-Aignan (2,1%). . Le plus urgent et le plus simple pour Macron était de corriger une erreur dans le formulaire. Sachant que les Français trouvaient sa première campagne très dangereuse, il s’est précipité lundi dans le Nord et le Pas-de-Calais, sur le territoire de son adversaire Marine Le Pen. Quitte à avoir été un peu ébranlé lorsque son concurrent a organisé, à la dernière minute, un déplacement dans l’Yonne chez un céréalier. En même temps, il tenta de pallier une deuxième faiblesse en se disant qu’il était prêt “enrichir” un projet jugé très à droite, plombé par le relèvement de l’âge de la retraite à 65 ans. “Je suis prêt à discuter du rythme et des limites” a annoncé lundi après-midi sur BFM TV cette mesure, la plus impopulaire de son émission. Un embryon de concession. “Pour convaincre, je dois rassembler, expliquer la puissance sociale de mon travail, compléter et enrichir, pour l’écologie, le travail”avait déjà réclamé plus tôt dans la journée.
Belles paroles ou vraies concessions
Les voix de Jean-Luc Mélenchon (22%) et Yannick Jadot (4,6%) sont clairement visées. Ce sont eux qui vont secouer les élections. “Les questions sociales et environnementales intéressent ces électeurs de gauche.” dit un ministre. Après avoir snobé les discussions du premier tour, Macron se dit même prêt à lui parler “tout le monde et tout le monde” chefs de parti. “Ce n’est pas ‘Qu’est-ce que tu retires de ton programme pour amener les gens à voter pour toi ?’ Nous ne vendons pas de tapis. assure toutefois un ministre démentant par avance toute “chantage” adversaires d’hier. Les votes révolutionnaires et écologistes peuvent-ils se contenter de petits mots ou faut-il leur faire de vraies concessions ? Ce dilemme stratégique n’est toujours pas résolu. Oui “Le travail a été bien fait”, Comme l’a dit un ministre, quand on lui parle d’envoyer le vote de droite avec une Valérie Pécresse passée sous le seuil des 5%, il s’agit aussi de ne pas démobiliser ces électeurs conservateurs trop à gauche. D’où l’allusion de Macron dimanche après-midi au combat « séparatiste islamique », jetez un oeil à l’extrême droite de son omelette. Dans le Pas-de-Calais, le chef de l’Etat est resté vague sur son ouverture à gauche. Pour le moment, cela ne provoque qu’un ajustement “étape” de son programme. Sur quels enjeux ? Un ministre annonce la fin de vie : “Convoquer une assemblée civique plus tôt que prévu peut être un message important pour les électeurs dans les villes ou à un certain âge.” Nul doute cependant que nous aborderons les mesures les plus dures du projet, comme l’adaptation du RSA à une activité obligatoire. “Le programme est un tout. À notre avis, c’est équilibré. » soutient la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon. Le leader des Territoires de progrès, petit parti d’extrême gauche, confirme cependant qu’il y a « Du blé à moudre dans le mode de gouvernance et de prise de décision ».
Étourdir les sentiments de rejet
Au lieu de prendre des engagements clairs, les macronistes tentent surtout de se convaincre que leur bilan et leurs propositions sont bien plus verts et plus à gauche qu’ils ne le disent. Dimanche après-midi, le porte-parole de LREM, Stanislas Guerini, a exhorté les députés et les élus locaux à “Je porte fort” La proposition de Macron d’ajuster les pensions de vieillesse à l’inflation à partir de cet été. « Bien sûr, tout le monde ne sera pas d’accord avec notre travail, mais y a-t-il plus de choses qui nous unissent ou nous divisent ? glisse un membre de l’équipe de campagne. L’enjeu des douze prochains jours est moins de convaincre les frustrés que d’engourdir les sentiments de rejet. Le vote de Le Pen ne doit pas devenir le vecteur d’une colère diffuse. “Il y a des gens qui se retournent contre Jean-Michel Blanquer” remarque un de ses collègues du gouvernement, proposant par exemple de ne nommer le ministre de l’Education nationale qu’au second tour pour ne pas perturber l’électorat enseignant. Face à l’héritier du Front national, les troupes présidentielles veulent jouer sur trois terrains : le pouvoir d’achat, l’Europe et l’écologie. La priorité est donnée à la suppression technique des promesses PN, montrant par exemple l’inutilité de supprimer la TVA dans une liste d’une centaine de postes essentiels. “Nous devons révéler, sans aucune prise de position morale, la réalité de son programme, déclare la ministre des Affaires étrangères Olivia Grégoire. Quand il promet quelque chose, soit il ne pourra pas le faire, soit il ment en disant que cela n’aura pas de conséquences dans la vie des Français. Le rêve de tout responsable macroniste est d’écraser un opposant sur une télévision, de le tarir dans une incohérence du programme de Le Pen. Le temps des envolées lyriques fantastiques pour le retour de la peste brune et les heures sombres de l’histoire est révolu. “A trop secouer l’épouvantail de l’extrême droite pendant dix ans, on finit par échauffer certains électeurs et les pousser à défiler. avertir un ministre. Si on n’est pas malin, on en fait un candidat anti-systémique et c’est fini, on perd !