• Lire aussi : EN DIRECT | 48ème jour de guerre • À lire aussi : « Ô Russie, sainte puissance ! » : l’école reprend dans une ville d’Ukraine conquise C’est l’apothéose de la guérilla urbaine. Combattez dans une zone de plusieurs kilomètres carrés de voies ferrées, d’entrepôts, de fours à coke, d’usines diverses et de fumoirs. Visibilité réduite, trous, obstacles, pièges à chaque pas, acier et béton à perte de vue. Et en dessous, des tunnels. Les sources font référence à plus de 20 kilomètres de couloirs souterrains, jusqu’à 30 mètres de profondeur. L’information n’a pas pu être vérifiée par l’AFP auprès d’une source fiable. Le complexe métallurgique d’Azovstal, propriété du groupe Metinvest et contrôlé par l’homme le plus riche d’Ukraine, Rinat Akhmetov, est au centre des combats dans la ville depuis des semaines. Il en va de même pour l’usine d’Azovmash, qui fabrique du matériel ferroviaire, des grues et d’autres produits en métal lourd. « Comment représenter la zone industrielle ? C’est une ville dans la ville, et il y a beaucoup de niveaux souterrains datant de la période soviétique, il n’est pas possible de bombarder d’en haut, il faut nettoyer le sous-sol. Cela prendra du temps », a déclaré la semaine dernière Eduard Basurin, porte-parole des forces séparatistes pro-russes à Donetsk. Pour les forces russes, l’entrée dans les tunnels est “impossible”, confirme Alexander Greenberg, analyste au Jerusalem Institute for Security and Strategy (JISS). “Ils peuvent essayer de le faire, mais ils seront massacrés car les défenseurs du tunnel ont l’avantage tactique absolu.” Les Vietnamiens des tunnels de Cu Chi, près de Saigon (sud), pendant la guerre d’Indochine, le groupe islamiste Hamas contre Israël, ou le groupe jihadiste État islamique (EI) à Mossoul pendant le califat, en avaient déjà beaucoup profité. Mais l’exemple le plus frappant remonte à la mythique bataille de Stalingrad (1942-1943), pendant la Seconde Guerre mondiale, avec des combats déjà acharnés dans un complexe industriel, l’usine “Octobre Rouge”. “Les Soviétiques ont utilisé le sous-sol, les égouts, les tunnels pour passer derrière les lignes allemandes”, a déclaré à l’AFP un responsable militaire français. Une unité de houe a fait des ravages dans une zone industrielle de la ville. Son commandant “découvert une ancienne usine qui abritait des éléments allemands et réussit, du sous-sol, à y placer trois tonnes d’explosifs pour la faire s’effondrer” à l’ennemi. Aujourd’hui encore – et probablement pour longtemps – les tunnels restent très efficaces pour créer de l’incertitude chez l’adversaire. Ils réduisent l’efficacité de l’artillerie ennemie, des raids aériens, de l’infanterie, des tireurs d’élite. Ils imposent le silence à la surveillance satellitaire et compliquent le renseignement technique, donnant aux combattants de plaine une réelle capacité de déplacement. Mais « il faut vraiment que le réseau soit très dense. Ils doivent également avoir entreposé des munitions, de la nourriture et des boissons. Cela signifie une grande phase de préparation. James Ranch, analyste au Janes Private Information Institute en Grande-Bretagne, souligne la nécessité d’une formation minutieuse des soldats. “La fermeture des espaces conduit au combat rapproché, limitant l’efficacité de certaines armes”, note-t-il. Les explosifs augmentent leur puissance, mais l’effet d’explosion peut échouer. Au niveau régulier, « l’administration et le contrôle sont extrêmement difficiles. “Les communications standard ne fonctionnent pas correctement et la connaissance de la situation est insuffisante, car les tunnels sont généralement mal cartographiés”, ajoute James Rands. Sans parler de l’enfer des évacuations sanitaires. En théorie, “une heure de progression dans un réseau souterrain coûte dix heures pour évacuer les sinistrés”, a-t-il précisé. Mais cette citadelle souterraine est-elle invincible ? Cela nécessiterait que les forces ukrainiennes disposent d’une quantité suffisante de tous les équipements nécessaires, tels que des lunettes de vision nocturne. Et probablement pas. Et ils devront surmonter l’utilisation potentielle d’eau par les Russes, noyer les tunnels et les chasseurs là-bas, ou le gaz et autres produits chimiques, pour rendre la vie insupportable, voire impossible, à l’intérieur. La bataille pour la zone industrielle peut-elle durer ? Sans plus de précisions, le président russe Vladimir Poutine a assuré mardi que l’attaque russe se déroulait selon ses plans, refusant de fixer un calendrier. “Notre tâche est d’atteindre les objectifs qui ont été fixés, tout en minimisant les pertes”, a-t-il déclaré.