Il est mort dans des conditions misérables. Coupé d’eux. Il a été laissé sans soins. Baigné dans leurs excréments. Faim. Déshydraté. Le record le plus laid et le plus meurtrier du pays. Une crise humanitaire. Un vrai. Des recherches fragmentées ont tenté d’expliquer son mécanisme infernal. Celui du médecin légiste Géhane Kamel est sur le point d’arriver. Les médias, dont Le Journal et TVA, ont produit des rapports détaillés sur la tragédie. Le livre 5060 vient de sortir La Massacre de la Covid-19 dans nos CHSLD – une analyse rigoureuse des journalistes Gabrielle Duchaine, Katia Gagnon et Ariane Lacoursière. Thomas Gerbet de Radio-Canada a ajouté une nouvelle brique hier. Selon des messages inédits, il affirme que la ministre des Aînés, Marguerite Blais, et l’ancienne ministre de la Santé, Danielle McCann, auraient été “informées de l’état d’urgence jusqu’à 10 jours” avant le rapport choc du journaliste. Aaron Derfel du Montreal Gazette avec le massacre au CHSLD privé Herron. D’où la tentation de certains de faire reposer la responsabilité ultime sur les épaules de deux ministres. On sait pourtant que la pandémie a plutôt été gérée au sommet du gouvernement dans sa cellule de crise. Maintenir les hôpitaux, mais à quel prix ? On sait aussi qu’afin de maintenir les hôpitaux, envoyer de nombreuses personnes âgées qui y étaient soignées en CHSLD annonçait une catastrophe. Pourquoi ? Parce que les CHSLD avaient été sévèrement délaissés pendant des décennies, avec des pénuries de personnel connues et non préparés à une pandémie. Enfin, on sait que les méga CIUSSS et CISSS, dont ce West Island de Montréal, dont le vaste territoire comprend le foyer Herron, délaissaient déjà leurs clientèles les plus vulnérables bien avant la pandémie. Comme l’a noté Thomas Gerbet – et jusqu’à preuve du contraire – dès qu’il s’est rendu compte du drame qui se déroulait à Herron, la même PDG du CIUSSS, Lynne McVey – toujours au pouvoir – aurait alors informé les ministres concernés que le CIUSSS avait pris le relais. Même cela est rapidement revenu sous contrôle. Cependant, la réalité est que presque tous les décès de Herron sont survenus après qu’il ait été pris en charge par le CIUSSS. Ce n’est pas un détail. Pour un portrait global et détaillé Au fil du temps, de plus en plus de pièces s’ajoutent au puzzle choquant de la tuerie des CHSLD, mais sans qu’un portrait complet et détaillé n’en ressorte. C’est pourquoi, au nom des 5 060 personnes décédées dans des conditions misérables et de leurs familles, la création d’une commission d’enquête publique et indépendante est indispensable. Une autre raison est que beaucoup de Québécois vivent ici de peur d’y vieillir un jour. La peur surtout d’y être très vulnérable, malade, handicapé. Le ministre Christian Dubé promet un plan de relance et de décentralisation du réseau de la santé. Mais en 2020, où étaient les PDG des méga CIUSSS ? Ont-ils mal informé le gouvernement sur l’abandon scandaleux de certains de leurs utilisateurs les plus vulnérables ? Si un gouvernement québécois a déjà jugé opportun de mettre sur pied une commission d’enquête sur l’effondrement d’un viaduc à Laval, nous le devons encore plus à nos 5060 compatriotes qui ont été durement coupés en CHSLD. Car au fil du temps, les révélations vont se multiplier. L’extraordinaire bénéfice politique dont a bénéficié François Legault ne devrait-il pas également servir à éclairer l’un des passages les plus sombres de notre histoire ?