Deux clubs avaient indiqué au Monde avoir porté plainte pour immatriculation illégale. L’enquête préliminaire a débuté mardi 12 avril à Paris, suite à la dénonciation de deux associations pour une enquête par SMS du parti d’Eric Zemmour, visant les électeurs juifs français à la veille du premier tour de l’élection présidentielle. Je connais, mardi, une source proche des archives. Le parquet de Paris a confirmé le lancement de cette enquête pour délits de données personnelles.
Un SMS signé du nom du candidat a été envoyé vendredi soir, quelques heures avant l’interruption des élections, vers de nombreux téléphones portables en France, renvoyant à une page publiée par le parti Reconquête ! qui affichait un texte explicitement adressé aux juifs français.
À lire aussi Deux clubs portent plainte après avoir envoyé un SMS au nom d’Eric Zemmour à des membres de la communauté juive
“Suite à une plainte de l’UEJF et de l’association J’accuse AIJI, une enquête a été ouverte ce jour sur des allégations de détention, stockage, enregistrement, transmission de données personnelles autres que celles prévues par la loi, communication non autorisée avec des tiers et utilisation abusive de données personnelles fins de dossier », a précisé le parquet. Des enquêtes ont été commandées par la Brigade de répression des crimes personnels (BRDP), a ajouté la source.
“Nous saluons le début de l’enquête préliminaire, nous attendons qu’elle fasse toute la lumière sur cette affaire que nous jugeons scandaleuse. On ira jusqu’au bout, le processus est totalement inacceptable. On attend que justice soit faite”, a réagi Marc Knobel, président de J’Accuse, l’une des deux associations qui a porté plainte, auprès du Monde.
Le code pénal punit de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende la constitution d’un fichier révélant des convictions religieuses ou une origine raciale ou ethnique sans le consentement de la personne concernée.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avait déjà ouvert une enquête à la suite de cette enquête. La CNIL précise que “le traitement de données personnelles révélant (…) des convictions religieuses” est “interdit”, sauf si “la personne concernée a donné son consentement exprès au traitement de ces données personnelles pour une ou plusieurs finalités déterminées”.
Le SMS a été reçu vendredi par des Juifs français et envoyé par l’équipe de campagne d’Eric Zemmour. CAPTURE D’ÉCRAN / LE MONDE
“Dix mille SMS”
« Pourrons-nous vivre longtemps tranquilles en France ? (…) Vos enfants comptent sur vous », écrit le candidat du parti Reconquête dans ce SMS ! à l’élection présidentielle. Dans ce message, un lien était envoyé vers le site de campagne d’un guerrier d’extrême droite qui contenait un long texte intitulé “Message d’Eric Zemour aux Français de confession juive”. Le combattant d’extrême droite, qui a recueilli 7% des suffrages dimanche, a été présenté comme “le seul à avoir dénoncé l’expansion de l’islam qui détruit notre pays”. “L’antisémitisme qui tue aujourd’hui est islamique”, a-t-il ajouté. Interrogée par BFM-TV, l’équipe d’Eric Zemmour a confirmé être à l’origine de la campagne d’envoi de “dix mille SMS” liés au site du candidat. L’un des leaders de la campagne Reconquête ! avait assuré à la chaîne d’information que cette arrestation politique avait été mise en place avec l’aide d’un courtier en données personnelles, qui achète des bases de données pour les commercialiser.
“Le processus est terrible”
“Nous attendons avec impatience que les policiers fassent leur travail”, a déclaré Stéphane Lilti, qui a porté plainte auprès de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). Un collègue de Me Sacha Ghozlan, qui portait plainte contre l’association J’accuse, a dénoncé mardi sur Twitter “l’utilisation la plus massive de listes de noms juifs dans la collection du Vél’d’hiv”.
“Un candidat à la présidentielle a osé créer ou obtenir un fichier secret frauduleux de dizaines de milliers de Juifs [ou réputés tels] avec leur numéro de téléphone, étant l’exploitation la plus massive des listes de noms juifs de la collection du Vél’d’hiv”, ont écrit les avocats des deux syndicats dans leur plainte, que Le Monde a pu consulter. “Le processus est misérable, inadmissible et impardonnable. Nous sommes choqués et même inquiets qu’une telle chose soit possible. “On sait très bien ce que c’est que de créer une archive pour accepter ça”, a déclaré au Monde Marc Knobel, président de l’association J’accuse.
Lire aussi Article pour nos abonnés Eric Zemmour inquiète les juifs français
Le Monde et l’AFP