Depuis l’apparition de la variante Omicron, le nombre de personnes contractant une nouvelle infection par le SRAS-CoV-2 n’a cessé d’augmenter. Qu’est-ce qui cause ces réinfections ? Combien de fois peuvent-ils se produire ? Augmentent-ils le risque de conséquences à long terme ? Voici ce que montrent les observations épidémiologiques.
Les réinfections semblent devenir de plus en plus courantes. Est-ce vrai? Avant l’introduction d’Omicron, les réinfections étaient rares et ne représentaient pas plus de 1 % de toutes les infections. L’arrivée de la variante dans le pays a changé la donne. En janvier dernier, alors que la vague Omicron s’intensifiait, leur nombre a décuplé, atteignant 10 % des infections au Québec. Actuellement, ce chiffre est d’environ 20 %. “Ce n’est pas un portrait complet de ce qui se passe dans la population générale [québécoise], car on ne teste plus tout le monde. Nos données parmi les travailleurs de la santé, qui sont dépistés avec plus d’assiduité, nous permettent de voir qu’il y a bel et bien une augmentation du taux d’infections qui sont des réinfections », explique le Dr. Éric Litvak, vice-président aux affaires scientifiques à l’Institut national de santé publique du Québec. Quelles sont les causes de ces réinfections ? Deux phénomènes expliquent la survenue de ces réinfections. Premièrement, l’immunité causée par la vaccination et les infections au coronavirus (une grande famille de virus responsables de certains rhumes, mais aussi du COVID-19) ne dure pas longtemps, contrairement à celle procurée par d’autres maladies infectieuses qui peuvent durer des années voire toute la vie. dit le Dr Litvak. « On constate que les anticorps disparaissent progressivement après la vaccination ou l’infection, notamment les anticorps neutralisants, qui doivent être présents en grand nombre pour stopper rapidement le virus », explique le Dr Caroline Quach, microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine. L’autre chose est que le virus COVID-19, SARS-CoV-2, évolue très rapidement. Et les mutations qu’il subit ciblent souvent ses épines, les épines avec lesquelles il se fixe sur nos cellules pour les infecter. Cependant, les anticorps générés après la vaccination (qui a été conçue contre la souche ancestrale) ou une première infection ne se lient plus aussi bien aux bobines modifiées du nouveau variant. Ils sont donc moins efficaces dans leurs efforts pour empêcher le virus de se fixer sur nos cellules. Peut-on être réinfecté par le même variant ou sous-variant ? Pour répondre définitivement à cette question, il faudrait séquencer des échantillons prélevés lors d’infections successives subies par un même individu. Pour chaque cas de réinfection, on ne peut que déduire quelles variantes sont responsables de la première et de la deuxième infections “à partir de ce que nous savons des variantes qui circulent”, explique le Dr Litvak. « Il est possible d’être réinfecté par le même variant après un certain temps. Des cas ont été documentés au début de la pandémie, alors que la même variante circulait depuis longtemps. Mais ce n’est pas courant », dit-il. Les experts s’accordent cependant à dire qu’actuellement, les réinfections sont largement attribuées à une variante ou à une sous-variante différente de celle qui a causé la première infection, car les nouvelles mutations dont elle dispose lui permettent d’échapper à l’immunité précédemment acquise. De plus, des études récentes ont montré que les individus infectés par le sous-variant BA.1 d’Omicron ont produit d’abondants anticorps leur permettant de contrer ultérieurement ce même sous-variant et les variants circulants. Mais ces anticorps se sont révélés inefficaces contre les variants apparus plus tard, comme BA.4, BA.2.12.1 ou encore BA.5, qui font fureur en ce moment. « Ces études suggèrent que l’immunité que nous acquérons lors d’une infection nous protège contre cette variante et les variantes précédentes, mais pas contre les variantes futures », résume le Dr Donald Vinh, microbiologiste en maladies infectieuses au CUSM. « Il existe actuellement d’autres variantes en circulation en plus de BA.5 : à savoir la sous-variante BA.2.75, qui est apparue en Inde et a atteint les Pays-Bas, ainsi que BE.1 et BG.2, qui ont été détectées au Québec. “Cependant, nous ne savons pas encore si une infection par BA.5 nous protégera de ces autres variantes sur lesquelles nous avons très peu d’informations à l’heure actuelle”, prévient-il. Combien de temps sommes-nous protégés des réinfections ? Dans la majorité des cas, les réinfections surviennent trois mois ou plus après la première infection. En deux mois, quelques cas ont été observés. “Chez les personnes qui pensent être réinfectées deux à trois semaines après leur première infection, elles préfèrent montrer les restes de l’infection précédente”, explique le Dr Quatts. “Dans la phase aiguë de l’infection, nous avons toutes les armes de notre système immunitaire en action. Il sera très difficile pour tout virus de percer cette défense antivirale pleinement développée. Durant les deux à trois premières semaines d’infection, il est donc très difficile de se contaminer à nouveau, mais lorsque les choses se calment, l’immunité commence à décliner et, avec le temps, on peut se contaminer à nouveau si on en rencontre un nouveau », précise-t-il. Dr Vinh. La durée de cette protection dépend du profil immunitaire de l’individu, explique le Dr Litvak. « Quand la personne a-t-elle été infectée ? Avec quelle variante ? Combien de doses de vaccin a-t-il reçues ? Quand les avez-vous reçus ? Tous ces paramètres régulent la durée de protection et le risque de réinfection. Mais en général ça reste assez élevé les deux premiers mois puis ça diminue progressivement en fonction du profil qu’on a”, précise-t-il. La vaccination réduit-elle le risque de réinfection ? “Ce qui nous protège le plus, c’est l’immunité combinée ou hybride. Les personnes qui ont été vaccinées (avec au moins deux doses) et qui ont une infection bénéficient de la protection la meilleure et la plus durable », explique le Dr Litvak. Les réinfections augmentent-elles le risque de séquelles à long terme ? Les réinfections provoquent généralement des symptômes moins graves que la première infection. Mais une vaste étude qui n’a pas encore été examinée par des pairs met en garde contre les risques associés aux réinfections multiples. Cette étude montre que chaque réinfection augmente le risque de mortalité, d’hospitalisation et de séquelles pulmonaires, cardiovasculaires, rénales, neurologiques, gastro-intestinales et psychiatriques, notamment. Comme l’étude ne portait que sur des vétérans américains (dont la grande majorité étaient des personnes âgées), ces conclusions ne s’appliquent probablement pas à la population générale, mais visent principalement les personnes âgées, immunodéprimées et celles ayant des problèmes de santé préexistants. Cependant, ils appellent à la prudence et prennent des mesures pour prévenir la réinfection.