de Leigh Thomas et Mathieu Rosemain PARIS (Reuters) – Le gouvernement français a annoncé mardi qu’il avait lancé une offre de 9,7 milliards d’euros pour porter le capital d’EDF à 100%, donnant carte blanche à l’exécutif pour diriger l’énergéticien vers une crise énergétique de grande ampleur en Europe, dans le contexte de la Invasion russe de l’Ukraine. Dans le cadre de ce projet de renationalisation, le ministère de l’Economie a indiqué que le gouvernement, qui détient actuellement 83,9% d’EDF, proposera 12 euros par action EDF et 15,64 euros pour chaque obligation convertible (Océane) du groupe. L’offre sur les actions EDF représente une prime de 53% par rapport au cours de clôture du 5 juillet, un jour avant l’annonce par la Première ministre Elisabeth Borne d’un projet de renationalisation de la principale entreprise nucléaire européenne. A la Bourse de Paris, l’action, dont la cotation a été suspendue pendant une semaine, a ouvert en hausse de 15% à 11,75 euros, quasiment égal au prix d’offre. “Nous pensons que l’offre est attractive et a de fortes chances de succès”, ont commenté les analystes de Citi dans une note de recherche. Alors que l’Europe tente de réduire sa dépendance au gaz russe, la France voit dans la nationalisation d’EDF un moyen de renforcer la sécurité de ses réserves énergétiques. “Cette opération (…) renforce l’indépendance énergétique de la France”, souligne le ministre de l’Economie, Bruno Lemaire, dans un communiqué. « Il donne à EDF les moyens nécessaires pour accélérer la mise en œuvre du nouveau programme nucléaire souhaité par le président de la République et le développement des énergies renouvelables en France », poursuit-il. Le gouvernement prévoit déposer sa candidature à l’Autorité des marchés financiers d’ici début septembre. Selon une source du ministère de l’Economie, le gouvernement souhaite achever le processus de déremboursement d’EDF d’ici fin octobre. La même source ajoute que le financement de l’opération devra être approuvé par le parlement, précisant que le feu vert de la Commission européenne n’était pas nécessaire. Suite à l’annonce du gouvernement, EDF a annoncé que son conseil d’administration a mis en place un comité ad hoc qui sera chargé de formuler une recommandation sur l’offre. La semaine dernière, des sources proches du dossier ont déclaré à Reuters qu’un rachat à 100% d’EDF pourrait coûter jusqu’à 10 milliards d’euros. “C’est un investissement qui va nous permettre d’investir massivement dans le nucléaire”, a déclaré mardi à franceinfo le ministre des Comptes publics Gabriel Atal. La France, qui est habituellement exportatrice d’électricité à cette époque, en importe actuellement d’Espagne, de Suisse, d’Allemagne et de Grande-Bretagne. “La nationalisation est finalement le seul moyen de sauver l’entreprise et d’assurer la production d’électricité”, a déclaré Ingo Speich, responsable du développement durable et de la gouvernance d’entreprise chez Deka Investment, l’actionnaire minoritaire d’EDF. EDF est entré en bourse en 2005 au prix de 33 € par action. L’opération de renationalisation se traduira donc par une perte importante pour les investisseurs qui ont acheté des actions EDF à l’époque. (Reportage de Leigh Thomas et Mathieu Rosemain, avec Dominique Vidalon et Julien Ponthus à Paris et Carolyn Cohn à Londres ; montage français par Matthieu Protard ; montage par Jean-Michel Bélot)