Posté à 5h00
Charles-Eric Blais-Poulin La Presse
Patrick Lagacé La Presse
“Tu es un peu ennuyeux, tu me veux”
Huit femmes ont témoigné à La Presse avoir subi l’une ou l’autre forme de harcèlement sexuel de la part de l’humoriste populaire Philippe Bond entre 2006 et 2015. Quatre de ces femmes ont témoigné à visage découvert. Cinq des femmes qui nous ont parlé du harcèlement sexuel de M. Bond étaient des collègues qui l’ont rencontré à la télévision ou à la radio. Les trois autres n’ont pas évolué dans le monde artistique, ils l’ont rencontré en marge de ses apparitions sur scène. Une autre travailleuse de la télévision nous a dit qu’elle avait été brièvement enfermée dans le véhicule de M. Bond en 2007, sans aucun geste sexuel. L’éventail des comportements reprochés à Philippe Bond, 43 ans, est vaste. Ceux-ci comprennent les commentaires sexuels inappropriés, les attouchements non désirés, les baisers forcés, la fellation forcée dans les toilettes des femmes et les relations sexuelles non consensuelles. A noter ici que Philippe Bond ne fait pas l’objet de poursuites pénales. La Presse a fait une demande d’entrevue avec l’humoriste, qu’il a refusée. L’avocat de M. Bond avait proposé une rencontre conditionnelle, à laquelle La Presse a refusé l’accès pour des raisons de déontologie journalistique. Une citation d’Alain Nguyen, l’avocat de l’humoriste : “M. Bond l’a déjà confirmé par sa déclaration sur les réseaux sociaux et le réitère avec force : ses relations intimes ont toujours été consenties et il n’a jamais agressé sexuellement qui que ce soit, il le ferait. Toute publication qui implique le contraire recommandera [sic] répandre des mensonges et des rumeurs qui sont propagés par des sources biaisées et/ou qui ont un intérêt à nuire à M. Bond. » Mais d’après nos recherches, en 2007, après une soirée de fin de production du sketch Juste pour rire : gags – dont il était l’un des acteurs – Philippe Bond a avoué un comportement répréhensible, sans jamais en préciser la nature. . ÉCRAN ÉCRAN DE LA VIDÉO YOUTUBE Philippe Bond, dans le sketch Juste pour rire : les gags Après cet après-midi, M. Bond, alors âgé de 28 ans, a écrit un message d’excuses à ses collègues féminines présentes. Voici un extrait de la lettre, obtenu par La Presse : « Cette lettre est adressée à tous ceux que j’ai pu offenser [sic] lors de la dernière gag party. Cette nuit-là, j’ai franchi la ligne et je m’excuse. Désolé pour ce que j’ai dit ou fait. » IMAGE COUVERTE PAR LA PRESSE Message d’excuses de Philippe Bond aux collègues féminines présentes à une soirée de fin de production pour l’émission de sketchs Juste pour rire : les gags, 2007 Dans sa lettre, Philippe Bond ne détaille pas ce qu’il a “dit” ou ce qu’il a “fait” lors de cette soirée au studio Juste pour rire aujourd’hui disparu du boulevard Saint-Laurent. Mais La Presse a recueilli les témoignages de quatre femmes qui ont subi les frasques de l’humoriste cette nuit-là. Parmi leurs plaintes : attouchements non désirés, projections sexuelles persistantes, baisers forcés et confinement dans la voiture de M. Bond. Marie-Michelle Émond, productrice exécutive de l’émission à l’époque, nous a confié : « On a traversé la question avec les filles qui arrivent, serrent, attaquent. On a aussi appris des choses sur ce qui s’était passé ailleurs : on a découvert qu’il harcelait les actrices avec lesquelles il tournait sur le plateau. » Rappelons que le 1er juillet dernier, l’humoriste Thomas Levac déclarait que “Philippe Bond est un violeur” lors de l’enregistrement d’un balado pour le Festival d’humour émergent en Abitibi-Témiscamingue. Cette déclaration est apparue le 12 juillet, déclenchant une tempête de réactions négatives sur les réseaux sociaux. Le lendemain, M. Bond a démenti toute attaque sur un statut Facebook de ses 309 000 followers : “Toutes les relations que j’ai eues ont été consensuelles, JAMAIS abusives, JAMAIS l’ont été et ne le seront jamais. Je n’accepterai JAMAIS d’être accusé sans me défendre. » C’est cette sortie sur le Facebook de Philippe Bond qui a poussé de nombreuses femmes à raconter leurs interactions malheureuses avec l’humoriste au fil des années. Huit femmes dont nous avons recueilli les témoignages affirment n’avoir jamais donné leur consentement à des attouchements, baisers ou relations sexuelles spécifiques. Philippe Bond est actuellement en tournée pour son spectacle Merci. Il co-anime l’émission humoristique C’t’encore tous les midis sur Énergie, propriété de Bell Média, en saison régulière. Il a remporté l’Olivier de l’année en 2012.
“Il a mis son pénis dans ma bouche”
Lisa Matthews a 20 ans lorsqu’elle croise la route de Philippe Bond – qu’elle rencontre pour la première fois – en 2007. Elle prend un verre avec lui dans le lounge de l’hôtel Casino du Lac-Leamy à Gatineau. , avec d’autres personnes. “Il était très cool jusqu’à ce que j’aille aux toilettes”, nous a-t-elle dit. Il m’a poussé dans les toilettes, a verrouillé la porte et a mis son pénis dans ma bouche. » Toujours en 2007, Mathilde Laurier, comédienne dans Juste pour rire : Les Gags, était accoudée au bar lors de la soirée de fin de tournage lorsqu’on lui a tapé sur l’épaule : « Je me revois et c’est Philippe qui me flatte , langue. à l’arrière de mon cou. Je l’ai repoussé. Mon ami me demande ce qui se passe, je réponds “je n’en ai aucune idée”…” La régisseuse de télévision Corinne Paquin a déclaré avoir eu des relations consensuelles avec M. Bond à deux reprises, à partir de 2006, selon ses mémoires. Mais la troisième fois a été ‘un peu brutale’, raconte-t-elle : ‘Il a commencé à me donner de bonnes claques et puis il m’a sodomisée complètement, complètement, sans prévenir. » En 2011, un animateur de radio accepte d’aller boire un verre chez Philippe Bond dans les Laurentides : « Il a pris ma main pour la mettre sur son pénis en érection, j’étais vraiment pas bien, je me suis enfermé dans la salle de bain et j’ai appelé ma mère. » Cégepienne en 2006, Sophie*, 20 ans, assiste à un spectacle d’humour au bar Le Dagobert à Québec. M. Bond était l’un d’entre eux. Sophie était accompagnée d’un ami, qui s’est également confié à La Presse. Les deux jeunes femmes sont persuadées, cette nuit-là, qu’elles ont été droguées à leur insu. Ils ne soupçonnent pas Philippe Bond de cette erreur. Mais Sophie dit s’être réveillée dans la chambre d’hôtel de l’humoriste, désorientée. Elle affirme avoir été agressée sexuellement sous la douche où elle dit avoir été traînée, habillée. “Quand je suis rentré à la maison, j’étais tout mouillé et je n’avais pas de sous-vêtements. » Seize ans plus tard, aujourd’hui maman, Sophie raconte : « Il était très persévérant. Il était dominant, me saisissant fort, me disant ce que je voulais. Pour Philippe Bond, c’est comme si nous devions tous nous soucier de lui. » Les témoignages recueillis dans nos recherches couvrent les années 2006 à 2015. Mais dans le milieu artistique, Philippe Bond inspire toujours l’incrédulité : selon les informations recueillies par La Presse, les comédiennes, par exemple, refusent systématiquement de participer à une même pièce. lui. C’est arrivé en octobre 2021, à l’approche d’un spectacle positif pour Catherine Fournier, alors candidate à la mairie de Longueuil. Philippe Bond faisait partie de la demi-douzaine d’humoristes annoncés pour la soirée. Mais selon nos sources, des femmes (et au moins un homme) travaillant dans l’humour ont par la suite subtilement fait savoir au candidat que M. Bond avait la réputation d’avoir un comportement inapproprié envers les femmes. L’humoriste Sylvain Larocque, qui était candidat dans le groupe de Mme Fournier (élue conseillère), a animé et organisé cet événement au Théâtre de la Ville de Longueuil : « J’ai reçu un appel de l’administration du parti, a expliqué M. Larocque, mardi…