« La société n’est pas intéressée à mener un procès qui s’avérera inévitablement inéquitable », a écrit le juge de la Cour suprême Jean-François Émond dans sa décision de 99 pages rendue vendredi matin. Il a été jugé que la négligence du médecin de l’Etat privait Jacques Delisle de son droit à « pleine réponse et pleine défense », l’une des pierres angulaires de l’appareil judiciaire. Ainsi, il n’y aura pas de second procès. Le juge Émond a ordonné la suspension des poursuites pénales contre l’homme de 86 ans. Son jugement, cependant, ne juge pas sa culpabilité ou son innocence. Cette triste affaire a commencé en 2009, lorsque le corps de Nicole Rainville a été découvert dans sa résidence de Québec, avec une arme à feu près d’elle. Jacques Delisle a été reconnu coupable, puis reconnu coupable de meurtre au premier degré par un jury en 2012 et envoyé en prison pour le reste de sa vie. M. Delisle n’a cessé de plaider non coupable et a prétendu avoir été victime d’une erreur judiciaire. “C’est fini”, s’est désisté vendredi l’un de ses avocats, Me Maxime Roy, à sa sortie de la salle d’audience de Québec. Jacques Delisle est très heureux de la décision, il a ajouté : “Il voulait tourner la page et passer les derniers jours qu’il avait avec sa famille. » Ayant épuisé tous ses recours devant les tribunaux, M. Delisle avait demandé au ministère fédéral de la Justice de reconsidérer son dossier. Dans un geste aussi rare qu’exceptionnel, le ministre David Lametti avait ordonné un second procès après, selon lui, “il y avait de bonnes raisons de conclure qu’une erreur judiciaire a pu se produire”. Avant d’arriver à cette conclusion, il avait fait des recherches pendant plusieurs années et consulté sept experts. Après s’être emparé de cet autre procès, Jacques Delisle a rapidement changé de stratégie et exigé la suspension des poursuites contre lui en raison d’abus commis par l’État. La clé de la preuve balistique Dès le premier jour du procès, deux théories se sont affrontées : celle du ministère public affirmait que l’ancien juge avait tué sa femme d’une balle dans la tête, tandis que la défense affirmait que Mme Rainville était paralysée sur le côté. pendant des années et souffrant de dépression, il s’était suicidé. Au cœur de ce procès se trouvaient ces questions très techniques mais cruciales qui laissaient perplexes les experts : quel était l’angle du tir et quelle était la trajectoire de la balle qui a frappé Mme Rainville à la tête ? La réponse déterminerait s’il s’agissait d’un suicide ou d’un meurtre, car l’angle de l’arme peut ou non supporter la possibilité d’automutilation. Des experts de l’État ont déclaré qu’il était impossible que Mme Rainville se soit suicidée, sur la base de leur thèse sur l’orbite du missile que le médecin prétendait avoir observée dans son cerveau. La défense a plaidé le contraire, et les sept experts consultés par le ministre de la Justice ont estimé qu’il était “très probable” que le médecin de l’État ait mal compris l’orbite du missile, a déclaré le juge Émond dans une décision vendredi. “Le verdict de 2012 était basé sur la théorie de l’accusation, avec des preuves qui n’étaient pas valides”, a déclaré Roy aux journalistes vendredi matin. Tel était notamment le fondement de sa demande de sursis à statuer. Le juge Émond a jugé que le médecin de l’État chargé d’analyser le cerveau de Mme Rainville avait omis de conserver et de documenter les données, omettant de conserver des parties du cerveau, ou du moins des photographies de ces -ci, ainsi que des échantillons qui portaient des traces du passage du missile. Par conséquent, la défense n’a pas eu accès à ces informations pour sa propre analyse visant à déterminer l’orbite de la balle et éventuellement à étayer la localisation du suicide. “Des preuves sont perdues à jamais”, a déploré le juge, rendant “impossible d’avoir un nouveau procès juste et équitable” car M. Delisle manque de cette preuve extrêmement pertinente, de sorte qu’il ne peut pas présenter une “défense complète et juste”. deuxième procès. Etant donné qu’« en l’absence de preuve que le médecin B avait le devoir de conserver, rien ni personne ne pourra prouver l’orbite avec certitude ». Vendredi, la Couronne a déclaré qu’elle lirait la décision avant de décider de faire appel ou non de l’affaire. Or, selon l’avocat de Jacques Delisle, la décision du juge Émond est “incontestable”. Avec Sébastien Tanguay

A voir en vidéo