La plupart des espèces savent distinguer une chose essentielle d’une autre, comme les bons fruits des mauvais fruits, ou le cri d’un parent de celui d’un prédateur. Très peu sont capables de former un concept abstrait comme “pareil/pas le même” et de l’appliquer à différentes situations. Outre les primates, un petit nombre d’espèces ont un tel don, notamment les oiseaux moqueurs, les pigeons, les perroquets, les dauphins et les canards. Chez les invertébrés, il n’a été répertorié qu’avec l’abeille européenne.
Il faut maintenant ajouter Polistes fuscatus, la guêpe cartonnière, selon l’étude publiée mercredi dans les Actes B de la Royal Society britannique. Cet insecte social est connu pour sa capacité à distinguer sans faute les visages de ses congénères. Une équipe de neurobiologistes de l’Université américaine du Michigan a étudié sa capacité à faire mieux. Ils ont d’abord “appris” aux guêpes à associer un couple d’images ou d’odeurs, similaires ou différentes, à un courant électrique inoffensif mais désagréable et le couple opposé à l’absence de choc. Chaque guêpe a été trouvée dans un cube dont les parois portaient, par exemple, une paire de couleurs identiques. Elle y resta deux minutes, traversant un courant électrique transmis par le sol, et après une pause d’une minute, elle fut placée dans un autre cube, sans courant, où il y avait une paire de couleurs différentes l’une de l’autre.

Moins d’un million de neurones

Des paires de stimuli, couleurs, visages de guêpes ou odeurs, ont été changées entre chaque séance afin que l’animal n’associe pas une paire particulière au choc électrique. Après quatre séances d’apprentissage et une pause de trois quarts d’heure, la guêpe a subi un test censé intégrer le même/pas le même concept. Il était placé dans une boîte où il avait le choix de se déplacer vers une extrémité portant une paire de stimuli identique ou vers une autre portant une paire différente. Le bon choix consiste à se diriger vers le couple de stimuli associé dans son expérience à l’absence de choc électrique. Au départ, le type de stimulus, -couleur, visage ou odeur-, était identique à celui de la phase d’apprentissage mais pas le stimulus lui-même, la couleur changeait par exemple. Après dix essais et une nouvelle pause, l’expérience a été répétée avec un type de stimulus que l’animal n’avait jamais rencontré, comme l’odeur après les couleurs. Dans les deux cas, la guêpe a passé le test avec plus de 80% de réussite, bien au-delà de la seule chance. Un effet complètement indépendant du type de stimulus impliqué. Et un exploit quand on sait que le cerveau de cette guêpe, comme l’abeille européenne, compte moins d’un million de neurones, quand celui du pigeon dépasse les 300 millions et celui du macaque les six milliards, notent les chercheurs. Et cela les amène à croire que l’apprentissage du même/pas le même concept est peut-être plus répandu chez les insectes que prévu. De là, ils concluent que “le minuscule système nerveux des insectes n’impose aucune limite à la complexité de leur comportement”, selon l’étude. pcl/grd/cal