Posté à 17h00
                Textes : Ariane Lacoursière La Presse             
                Photos : Olivier Jean La Presse             

Infirmière pour tous les usages

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Au cœur du village de Puvirnituq, le Centre de santé Inuulitsivik est le seul hôpital sur les rives de la baie d’Hudson. Il est presque minuit à l’urgence de l’hôpital de Puvirnituq. L’infirmière Sarah Zimmerling décroche le téléphone qu’elle porte toujours au milieu. Cette nuit-là, il a répondu à tous les appels d’urgence du village de 2 000 habitants. Au bout du fil : un jeune homme raconte avoir été brutalement mordu au visage lors d’une dispute. Il saigne beaucoup. L’infirmière l’invite à se rendre immédiatement à l’hôpital. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Agressé sexuellement, suspect poignardé, la police ne sera jamais loin de l’hôpital du jour au lendemain. Quelques minutes plus tard, la police entre avec une grand-mère qui a été agressée sexuellement. Nous devons lui apporter un kit médico-légal. Puvirnituq est le seul des sept villages de la baie d’Hudson à avoir un hôpital. La communauté est isolée : n’est accessible que par avion. Par conséquent, les groupes de soins doivent être autonomes. Et polyvalent. Les cas graves peuvent être transportés à Montréal en urgence. Mais pour le reste, les agents de santé doivent se prendre en charge. Par précaution, la porte de l’hôpital est toujours verrouillée. Un agent de sécurité est généralement en service pour gérer les entrées et les sorties. Mais ce soir, son petit bureau en verre est désert. Le gardien a été appelé à s’envoler pour Kuujjuarapik, un village un peu plus au sud, pour aller avec une infirmière chercher un patient en crise psychotique. Le voyage de retour peut prendre jusqu’à deux heures. Pendant ce temps, Sarah Zimmerling doit surveiller la porte, en plus de gérer elle-même les urgences. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Dr. Matthew Kondonff parle à Sarah Zimmerling et à un patient. Si elle a les mains pleines, d’autres infirmières et un médecin de garde peuvent être appelés. La nuit ne fait que commencer et le GP Matthew Kodoff est déjà là. Car la morsure que le jeune patient a au visage est imposante et nécessite une évaluation médicale.

Une soirée riche en événements

Avant de se rendre à l’urgence, les résidents de Puvirnituq sont invités à composer le 9090 (équivalent du 911). Par téléphone, l’infirmière de garde évalue leur état et leur conseille de venir ou de prendre rendez-vous pour le lendemain. Ce soir, il y a de l’action dans le village qui vit au rythme du Snow Fest, un événement visant à célébrer la culture inuit. L’ambiance est électrique. Pour soutenir un patient qui affirme avoir été agressé sexuellement, Sarah Zimmerling fait appel à l’assistant social de garde Daniel Barone. Cette dernière n’est pas encore arrivée lorsqu’une autre patiente apparaît, manifestement ivre : elle a été frappée par quelqu’un qui vit avec elle. Il a le visage déchiré. Elle parle fort et est anxieuse. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Le travailleur social Daniel Barone et l’infirmière Sarah Zimmerling Toujours calme et d’une voix calme, Sarah Zimmerling la réconforte et la place dans la salle d’examen à côté de celle du patient blessé sur la joue. L’infirmière passe de l’un à l’autre. Nettoie les plaies. Donner des vaccins contre le tétanos. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Le jeune homme a été mordu au visage lors d’une dispute. Des larmes roulent sur les joues du jeune homme mordu allongé sur sa table d’examen. “Je veux voir mes bébés”, a-t-il dit. Le Dr Kodoff vient évaluer sa blessure. Elle prend une photo de la blessure et l’envoie au Centre universitaire de santé McGill pour une évaluation de la chirurgie plastique à distance. La réponse arrive quelques minutes plus tard : vous n’avez pas besoin d’envoyer le patient à Montréal. Le Dr Kondoff peut procéder sur place. Sarah Zimmerling préparera le matériel. Dans sa salle d’examen, la patiente blessée au visage pleure. “Je veux appeler ma mère,” murmura-t-il. Sarah Zimmerling vient à ses côtés et explique qu’elle peut partir et revenir demain pour des radiographies. La jeune femme ne semble pas écouter. Il veut aller fumer une cigarette. Discrètement, Sarah Zimmerling dépose un mot dans la poche à cheveux du patient. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Sarah Zimmerling insère une note dans la poche du manteau d’une patiente, lui rappelant qu’elle a un rendez-vous le lendemain. Je fais ça pour les patients empoisonnés. C’est un bout de papier qui dit qu’il a un rendez-vous de radio demain. Je me dis que si elle l’oublie elle aura au moins ce papier dans sa poche… Sarah Zimmerling, infirmière à l’Hôpital Puvirnituq L’infirmière met son manteau et emmène sa patiente fumer. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Bien que sollicitée de toutes parts, Sarah Zimmerling prend le temps d’échanger avec son patient. Il apprend alors que ce dernier n’a pas d’endroit sûr où dormir cette nuit-là. Au fur et à mesure qu’elle parle, elle se rend compte qu’elle n’a pas d’endroit sûr où dormir. Chez moi, la maison est pleine et la violence est partout. L’assistant social Daniel Barone est appelé à trouver une solution. Au cours de la conversation avec M. Barone, le patient exprime des pensées suicidaires. Son histoire familiale est chargée sur ce sujet. Il ne faut pas prendre de risques : on décide finalement de le soigner pour la nuit. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE L’infirmière de service ne quitte jamais son téléphone. Il est au téléphone pour évaluer l’état des patients qui appellent les urgences. Le téléphone d’urgence de Sarah Zimmerling sonne à nouveau. Quelqu’un s’est blessé à la cheville. L’infirmière fait des recommandations et fixe un rendez-vous pour le lendemain. Il parvient à peine à raccrocher lorsque deux policiers apparaissent, accompagnés d’un homme. Ils l’ont poignardé au ventre. Sarah Zimmerling amène le Dr Kodoff, qui coud la lèvre de l’autre patient. Le médecin constate rapidement que la blessure est superficielle. Il revient sur son intervention. Sarah Zimmerling lave la plaie dans l’abdomen du patient sous le regard de la police. Ils ne peuvent pas laisser l’homme sans surveillance : il est en garde à vue pour des faits commis la nuit. Un peu plus tard, Sarah Zimmerling fera quelques points de suture sur ce patient, sous la supervision du Dr Kodoff. L’infirmière nettoiera ensuite la salle d’intervention, ainsi que les autres salles d’examen des urgences, en continuant de traiter les appels. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Un policier surveille un patient soigné pour une rupture de l’abdomen. L’homme qui a été poignardé est en état d’arrestation. Quand nous travaillons ici, nous sommes infirmières, concierges, répondeurs, agents de sécurité ουμε Nous faisons tout. C’est exigeant. Mais en même temps stimulant. J’aime ça : le terrain. Nous travaillons dur. Mais on ne s’ennuie pas. Sarah Zimmerling, infirmière à l’Hôpital Puvirnituq

Grand manque

Cette pratique différenciée et très autonome n’attire aucun candidat, le …