Posté hier à 18h59
Simon Drouin La Presse
Deux Olympiens mettent en garde Laurent Dubreuil après sa médaille d’argent aux Jeux de Pékin : rien ne lui paraîtra jamais aussi important. Deux mois plus tard, le patineur rapide se demande si cette affirmation s’applique vraiment à lui. “C’est traître parce que vous attachez tant d’importance à cette médaille”, a-t-il déclaré mardi matin. Quand tu n’en as pas, tu te dis : ben ça va vraiment changer ma vie ! Ensuite, vous en gagnez un et vous vous rendez compte que vous prenez le même petit-déjeuner le matin, que vous buvez de l’eau, que vous avez parfois mal à la tête, que vous avez de mauvaises journées et que vous êtes coincé dans les embouteillages. Cela ne change pas votre vie. » Plutôt une question de point de vue. Déjà père d’une fillette de deux ans et demi, l’athlète de 29 ans a appris au début des JO qu’un deuxième enfant était en route. La femme d’Andréanne craignait que cela ne gâche sa préparation, mais elle se sentit nauséeuse et refusa de faire un test de grossesse par crainte d’une nouvelle déception. Fais-le, lui dit-il, ce n’est pas utile d’attendre deux semaines. Elle le ramena en pleurant. Sans être trop précis – le bébé est attendu pour octobre – c’est donc avec cette bonne nouvelle en tête que Dubreuil s’est présentée sur la ligne de départ du 500 mètres à Pékin. Le champion du monde a pris un mauvais départ avant de terminer quatrième à quelques centaines. A ce jour, Dubreuil ne peut pas expliquer pourquoi il a été puni de cette manière. La foule a cité un complot pour battre le Chinois Gao Tingyu, l’autre grand favori. “Je ne pense pas que ce soit un complot, mais si ce n’était pas le cas, c’était une erreur humaine. » Les commentateurs néerlandais, après avoir analysé la série “comme le but d’Alain Côté”, lui ont dit qu’ils n’en comprenaient pas plus. Au moins, Dubreuil a tenu son destin entre ses mains et a pu patiner, chose qui ne s’est pas produite deux semaines plus tard dans un tout autre contexte. Devant les journalistes, il a dit ce qu’il fallait et a ravalé sa frustration. “Je pense que j’essayais de me convaincre, mais c’était difficile. » Un appel à ses parents, qui regardaient la bataille familiale à Saint-ientienne-de-Lauzon, lui a permis de tout remettre à sa place. La fille de Rose a fait le tour du salon et “ne se souciait pas” que son père termine quatrième. PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVE LE SOLEIL Laurent Dubreuil avec la fille de Rose à l’aéroport de Québec La perspective d’accueillir un nouvel enfant plus tard dans l’année a-t-elle atténué son chagrin ? “Oui et NON. Disons que si ma famille s’était arrêtée à un enfant, je serais heureuse, c’est sûr. Mais si tu m’avais donné le choix entre gagner une médaille olympique et ta famille s’arrêter à un enfant ou “Si je faisais ne pas en gagner et avoir trois enfants, j’aurais pris les enfants. C’est plus important pour moi.” Après ce coup dur, Dubreuil a eu six jours pour se remettre sur pied et tenter sa chance sur 1000m. Il n’était pas monté une seule fois sur le podium de la saison dans ce tournoi. Sur la glace, les entraînements n’étaient pas géniaux. Rien à voir avec le 500m, où il volait sur le ring. Et quatre jours avant la course, il s’est blessé au dos en salle de musculation : “Je ne l’ai pas dit, parce que je voulais rester positif, mais c’était quand même assez intense. J’ai eu de la chance parce que c’était une blessure d’extension. En position de patinage, donc plié, je me sentais plutôt bien. Mon dos était peut-être à 95 %. Je me suis dit : je n’ai pas à être parfait, tant que je suis bon le jour de la course, ça ira. » Presque contre toute attente, il a remporté la médaille d’argent sur la distance la plus courte. “Il est clair que je voulais gagner des médailles cette année. Vous ne voulez pas quitter les Jeux olympiques sans gagner. Cela dit, je n’en avais pas jusque-là et j’étais absolument content. » Je ne pense pas être plus heureux aujourd’hui. En fait, j’en suis sûr. Laurent Dubreuil Quelques jours plus tard, Dubreuil avait déjà l’œil sur les Championnats du monde de sprint en Norvège. En milieu de compétition, il domine le classement, persuadé qu’il sera sacré le lendemain. Cela a été fait avant qu’un test positif pour COVID-19 ne l’enferme dans sa chambre d’hôtel. Cette pilule était encore plus difficile à avaler que de finir quatrième des Jeux. “Ils ont saisi l’occasion. Même si le fait était moindre, il était plus difficile à accepter. » La finale de la Coupe du monde reste aux Pays-Bas, qui s’est jouée une semaine plus tard. Enfermé dans sa chambre pendant quatre jours en Norvège, il a dormi, joué à des jeux vidéo et mangé du chocolat, à la grande surprise des journalistes néerlandais. Il ne s’est pas entraîné pendant les quatre jours suivants lorsqu’il a été libéré. A tort ou à raison, il voulait donner à son corps le plus d’opportunités possible pour se débarrasser d’un virus qui ne l’affectait pas vraiment. Dubreuil n’a reçu le feu vert que la veille de sa course à Heerenveen. Arrivé en avion le jour même, débarqué à Thialf une heure et demie avant son départ à 500m. Il a terminé deuxième, son neuvième podium en neuf départs. Sa famille était venue avec lui et il a pu faire un tour d’honneur avec Rose dans ses bras, le meilleur souvenir de sa carrière. Pour un athlète dont le principe est de ne pas s’emballer quand ça va bien et de ne pas s’effondrer quand ça va mal, les deux derniers mois ont été un gros challenge. C’était comme s’il était impossible d’éviter les hauts et les bas. Mentalement, c’était difficile. Je pense que j’ai besoin d’une pause plus longue que d’habitude. Laurent Dubreuil Le Néerlandais Michel Mulder et le Norvégien Havard Holmefjord Lorentzen, les deux champions qui ont prévenu Dubreuil, ont connu une baisse de vitesse spectaculaire dans les années qui ont suivi leur titre olympique sur 500 m. Dubreuil n’a pas peur de subir une telle chute. “Je serais vraiment surpris que cette médaille nuise à la suite de ma carrière. Je pense juste que ça va me libérer. J’ai hâte de jouer la saison prochaine. »
Un grand nombre de
Une vie de rêve
Laurent Dubreuil pense plus à son prochain meilleur personnel dans le squat arrière – il a déjà soulevé une charge de 410 livres à trois reprises – qu’à ses prochains grands objectifs en patinage de vitesse. Ces dernières années, l’amélioration quotidienne a été son mantra. “J’aime vraiment ce que je fais et je ne le vois pas comme un travail acharné ou quoi que ce soit. Il y a des entraînements que j’aime moins et je dois me challenger un peu plus. Mais au final, je vis une vie de rêve. Ce n’est pas difficile de faire ce que je fais. C’est dans mes câbles et dans mon intérêt. J’ai juste de la chance de pouvoir faire ça. »
Jusqu’en 2030 ?
De manière inattendue, Dubreuil arrivera aux Jeux olympiques de 2026 à Milan et Cortina. Il ne fermera pas la porte sur 2030. Il aurait alors 37 ans, à l’âge de Charles Hamelin, qui a pris sa retraite en pleine gloire dimanche. Cela dit, les sprinteurs qui ont réussi à gagner après 34 ans sont rares. L’athlète de Lévis pose trois conditions à la poursuite de sa carrière : l’amour de son sport (« le plus important »), la capacité de bien performer et donc de pouvoir en vivre et la conciliation du sport et de la famille. “Si on a trois enfants, c’est trop pour Andréanne et je n’arrive plus à bien le gérer, peut-être est-il temps de prendre sa retraite. »
La plus belle patineuse du Canada ?
Un grand fan de sport, Dubreuil, a reçu une petite trilogie ces derniers jours. Invité par les Blue Jays de Toronto pour le début du week-end dernier, il a été présenté à la foule du stade en compagnie d’une douzaine d’athlètes olympiques et paralympiques de Pékin. La veille, il avait regardé un match des Raptors avec un ami. Lundi après-midi, son agent l’a invité à assister au match Canadian-Jets dans une loge du Centre Bell. Quel skateur l’a le plus impressionné ? Cole Cowfield. “On sent l’explosivité, l’accélération. Il est léger et accélère très bien. Tout commence par sa vitesse et…