Cela montre à quel point le “projet de loi référendaire” est anxiogène, au centre des travaux de Marine Le Pen, candidate à la Cour suprême. Il ne s’agit pas de moderniser la démocratie, de faire face à la crise de représentativité que traverse notre pays, mais de renverser les institutions démocratiques pour l’institutionnalisation de la « priorité nationale », autrement dit, le principe de discrimination entre Français et étrangers. Il s’agit aussi d’abolir la citoyenneté de naissance en France (jus soli) – ce que même Vichy n’a pas osé – et de rendre facultative l’application des règles européennes et, donc, de lancer un processus de rupture sans prétention avec l’Union européenne.
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Cette nouvelle Constitution voulue par le candidat de la Coalition nationale (RN) violerait à la fois la Déclaration des droits de l’homme de 1789 (principe d’égalité devant la loi), le préambule de la Constitution de 1946 (interdiction des discriminations en raison de l’origine) et l’actuelle Loi suprême promulguée en 1958, qui reprend les deux textes précédents.
Ne pouvant adopter ce véritable changement de régime avec le processus normal de révision de la Constitution (article 89), qui requiert l’approbation des députés et des sénateurs, Mme Lepen souhaite procéder en utilisant l’article 11 pour le référendum. peut démissionner du Parlement, mais exclut les révisions constitutionnelles.
Confrontation avec le Conseil constitutionnel
Une telle démarche suppose une violation de la Constitution et une méconnaissance de la Cour suprême, qui en est la tutrice, le Conseil constitutionnel. Ce dernier, que le texte de 1958 définit comme le garant de la “normalité” des référendums, s’est en effet déclaré compétent en 2000 pour juger de la validité du décret sur la convocation des électeurs à un référendum et donc de la constitutionnalité du projet de loi soumis au vote joint au présent décret. L’aventure de Mme Lepen suppose donc une double confrontation avec le Conseil constitutionnel, tant pour l’usage de l’article 11 que pour la constitutionnalité de sa “priorité nationale”.
Technique, complexe, ce débat juridique ne doit pas occulter l’enjeu central : le projet de référendum de Marin Le Pen revient à violer les principes démocratiques fondamentaux en jouant le peuple “seul souverain” contre l’Etat de droit, à la manière dont les libéraux polonais et hongrois le planifient. Le plus grave serait que la candidate parvienne à faire oublier au peuple cet essentiel de son projet présidentiel, le noyant dans le discours « social » qu’elle développe désormais.
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Loin de traduire ses propos pacifiques et rassurants, son plan de destruction de la Constitution et d’institutionnalisation des discriminations provoquerait indignation et violence. Il ne faut pas qu’il devienne “l’éléphant dans la pièce”, une taille colossale que personne ne verrait et n’oserait dénoncer de peur d’une stigmatisation prétendument contre-productive. En fait, il s’agit d’une opération enfreignant les règles qui doit être fermement dénoncée et rejetée.
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