Rappelons qu’en février dernier, la candidate du Rassemblement national (RN) était encore fière d’imprimer, dans un tract de campagne, une photo d’elle aux côtés du président russe. Quant à Eric Zemour, il n’a jamais caché son admiration pour le dictateur russe, au point de déclarer en septembre 2018 : “Je rêve d’un Poutine français”. Dossiers honteux, dont les deux ont déjà été expliqués. Mais aujourd’hui, l’horreur de Boutsa perturbe une fois de plus leur campagne. Marine Le Pen, jeudi 31 mars, à l’Elysée Plateau 2022, sur France 2, a répondu à une question posée par Léa Salame : “Si la guerre en Ukraine se termine demain, Vladimir Poutine peut-il redevenir un allié de la France ?”. Le candidat a donné une réponse claire : “Oui, bien sûr, cela dépend des terres. J’ai toujours dit : une grande puissance peut être à la fois une alliée d’un certain nombre de territoires ou une ennemie ou une concurrente.” Même après avoir commis des crimes de guerre ? Mardi 5 avril, sur France Inter, le ton était un peu différent. “La réalité, c’est que la question a été posée ainsi, mais, à mon avis, c’est de la Russie dont je parlais, dit-il. La question est : ‘Nous croyons que’ ad vitam æternam, la Russie ne devrait plus être les crimes de guerre commis ne peuvent plus participer au concert des nations. @MLP_Officiel : “L’ONU doit aller sur le terrain, en Ukraine, pour enquêter, pour déterminer qui est responsable de ces crimes de guerre. Quand des civils non armés sont tués de cette façon, c’est un crime de guerre.” #le79Inter #Elysée2022 pic.twitter.com/p1hjvYFsZA — France Inter (@franceinter) 5 avril 2022 Si Marin Le Pen répond à d’autres questions que celle qui lui a été posée, elle ne peut guère être tenue pour responsable de ses propos. Est-ce malhonnête ? Ce que l’on peut dire au moins, c’est qu’il utilise ici une technique rhétorique authentique, documentée depuis longtemps puisqu’on la retrouve dans l’ouvrage classique d’Arthur Schopenhauer, The Art of Always Be Right. C’est le QG 17 : « Défendez-vous en vous coupant les cheveux. Si notre adversaire nous met dans une position difficile, il est souvent possible de se sauver en instaurant une fine distinction à laquelle on n’avait pas pensé auparavant. C’est exactement ce que fait ici Marin Le Pen en disant qu’elle ne parlait pas de Poutine mais de la Russie. Le fait est que jeudi 31 mars, d’autres candidats se sont montrés beaucoup plus prudents qu’elle : preuve, peut-être, que ses tropiques en faveur de Poutine n’ont pas totalement disparu. Sur franceinfo, lundi 4 avril, Éric Zemmour a également été interrogé sur les images qui nous sont parvenues de Boutcha. “C’est un crime insupportable, odieux, mais en plus, pour lui, ça ternit vraiment l’image de la Russie, je ne comprends pas”, a-t-il répondu. Un rare aveu de la bouche du candidat d’extrême droite. “Je dirais à Vladimir Poutine qu’il est dégoûtant, criminel, notoire et qu’il ternit l’image de son pays”, a déclaré Eric Zemour. “Je l’ai dit dès le début : les Russes en guerre sont capables de la pire horreur.” pic.twitter.com/mT2ycU2GUf — franceinfo (@franceinfo) 4 avril 2022 A noter que ce qu’il ne comprend pas, c’est le fait que Vladimir Poutine ait pu commettre des actes qui nuisent à l’image de la Russie. On retrouve la théorie essentiellement défendue depuis des années, selon laquelle le Russe autoritaire est un défenseur de la grandeur de la Russie. Et là les anciennes modifications n’ont pas forcément disparu. Ce qui disparaît assez vite en revanche… c’est son humilité. “C’est horrible, mais je l’ai dit dès le début : ‘Les Russes, quand ils sont en guerre, sont capables de la pire horreur, de la violence la plus folle’”, a-t-il répondu. Lorsque Napoléon a frappé, ils ont brûlé leur capitale pour ne pas la lui léguer. Je l’avais dit dès le début”. Non, il n’avait pas tort ! Rappelons-nous que quelques jours seulement avant le début de l’attaque russe, il disait encore qu’il n’y croyait pas. Mais ce n’est pas de cela qu’il parle ici : il parle de la cruauté du peuple russe pendant la guerre, et il l’en a averti. En rhétorique, c’est encore une astuce : s’appuyer sur un détail pour déclarer qu’on a raison alors que tout le reste prouve qu’on a tort. Quant au fond de l’argumentation, elle repose sur une matérialisation du peuple russe, qui serait intrinsèquement et irrévocablement dure. Nous laissons chacun juger de leur pertinence. Évidemment, Marine Le Pen et Éric Zemmour sont prêts à tout plan pour tenter de faire oublier leur gentillesse passée envers Vladimir Poutine.