Dans quel contexte cette crise politique se déroule-t-elle ?
Le 14 juillet, le mouvement populiste 5 étoiles (M5S), qui fait partie de la coalition gouvernementale, a décidé de ne pas voter sur un texte clé soumis au Sénat. Profondément divisée par une scission récente, et à mi-chemin des urnes, elle a estimé que ses priorités (établissement d’un salaire minimum et incitations fiscales pour la rénovation écoénergétique des maisons) n’étaient pas prises en compte par l’exécutif. Pour la plupart des observateurs, il s’agissait avant tout d’une tactique du M5S pour reconquérir son électorat. Le patron du mouvement, Giuseppe Conte, aurait fait le pari que Mario Draghi continuerait à gouverner sans lui, ce qui permettrait au M5S d’acquérir une position rivale avant les élections prévues en mai prochain. Ce scénario a finalement été démoli. Arrivé à la direction exécutive en février 2021 pour sortir l’Italie de la crise sanitaire et économique, Mario Draghi a estimé que son gouvernement d’union nationale, qui allait de la gauche à l’extrême droite, avait été rendu obsolète par son geste M5S. Il a donc remis sa démission le jour même au président Sergio Mattarella, qui l’a refusée. Le centre-gauche (qui craignait que des élections anticipées ne favorisent la droite), un millier de maires, ainsi que plusieurs responsables européens (qui voyaient en lui le chevalier blanc de l’orthodoxie budgétaire) ont alors exhorté le Premier ministre à rester en poste.
Que s’est-il passé mercredi ?
Mario Draghi s’est enfin dit prêt à poursuivre sa mission si sa coalition pouvait se rassembler pour éviter des élections anticipées. “C’est ce que veulent les Italiens”, a-t-il ajouté, les sondages indiquant que les deux tiers de ses compatriotes veulent que “Super Mario” reste au volant. Le Premier ministre a même donné une indication d’ouverture au M5S, assurant qu’il faut “avancer, avec les partenaires sociaux”, vers l’instauration d’un salaire minimum légal. Mais il a écarté l’idée d’un gouvernement sans eux, comme le réclamaient Forza Italia, le parti de droite de Silvio Berlusconi, et la Lega d’extrême droite de Matteo Salvini. Son message d’unité n’a pas été entendu par ses alliés ad hoc. Forza Italia, la Ligue et le M5S ont refusé mercredi de participer au vote de confiance demandé par le premier ministre au Sénat. En l’occurrence, officiellement : le M5S n’aurait pas accédé à ses exigences, et Forza Italia et la Ligue ont refusé de rester dans un gouvernement à côté du M5S, accusé de “rompre le pacte de confiance” qui scellait l’unité gouvernementale. Mais encore une fois, les observateurs pensent que les partis avaient les yeux rivés principalement sur la prochaine campagne électorale. S’il a fini par gagner la confiance sur le fil, ces désertions massives ont été vécues comme une répudiation de Mario Draghi.
Quelles sont les conséquences?
Mario Draghi a de nouveau présenté sa démission au président de la République, Sergio Mattarella, jeudi, “qui en a pris acte”. Le gouvernement reste en place pour “gérer les affaires courantes”, informe d’abord la présidence italienne. Dans l’après-midi, le chef de l’Etat a annoncé la dissolution du Sénat et de la Chambre, ce qui entraînera automatiquement la tenue d’élections anticipées. Depuis la France, la secrétaire d’Etat à l’Europe, Laurence Boone, a estimé mercredi que “l’Italie [allait] nous entrons dans une période qui est peut-être un peu moins stable que celle que nous avons connue auparavant.” De leur côté, les marchés financiers suivent la situation de près. La crise politique italienne survient alors que le pays est confronté à de sérieux défis économiques, allant de la flambée de l’inflation (8 % en glissement annuel en juin) à sa dépendance au gaz russe. La Bourse de Milan était en baisse de moitié mercredi, son indice de référence perdant 1,60% à la clôture.