Cette image satellite fournie par Maxar Technologies montre une escorte russe près d’Ivankiv, au nord-ouest de Kiev, en Ukraine, le lundi 28 février 2022. Photo : Presse associée La colonne a ensuite été démantelée et les stocks de nourriture et de carburant attaqués. L’homme, qui refuse de donner son nom de famille de peur d’être identifié par les Russes, se garde bien de récolter les fruits de cette affaire. Ce n’est pas nous qui avons arrêté l’escorte, seuls, mais le manque de provisions. Mais nous avons salivé à eux! L’unité Aerorozvidka a été créée en 2014 par un groupe de volontaires pour contrer l’invasion russe du Donbass et de la Crimée. Certains sont étudiants, informaticiens, nous avons même un doctorat en philosophie et en architecture, raconte Mykhailo, un pacificateur. Ils ont alors utilisé des drones commerciaux, au même titre que les vidéastes amateurs. Aujourd’hui, des dizaines d’appareils fabriqués par nos soins sont utilisés à la fois pour la surveillance et le combat. Ces huit drones à hélices sont capables de larguer des bombes et des grenades sur l’ennemi. En plus du convoi russe, Aerorozvidka entreprend des centaines d’attaques contre des cibles russes. L’unité Aerorozvidka pilote des dizaines de bateaux automoteurs utilisés à la fois pour la surveillance et le combat. Photo: Aerorozvidka
guerre informatique
Les pilotes de drones ont leurs bottes au sol, mais ils mènent aussi une guerre informatique contre l’intrus qui dispose d’importants moyens technologiques. Pour prospérer, ils doivent prévenir les attaques en brouillant et usurpant les communications des Russes, qui peuvent principalement localiser les résistants grâce à la signature électronique qu’ils utilisent. Le fondateur de l’unité Aerorozvidka, l’ancien banquier Volodymyr Kochetkov-Sukach, est mort au combat en 2015. Il nous a toujours été difficile d’opérer en raison des cyberattaques de la Russie, souligne Mykhailo. C’est d’autant plus dangereux qu’il faut s’enfoncer profondément dans la zone où l’envahisseur va attaquer. Cependant, les opérateurs de drones ukrainiens peuvent désormais compter sur les terminaux de service satellite Starlink livrés par le milliardaire Elon Musk au début de l’invasion russe. Il serait très difficile de travailler actuellement sans cette technologie, ajoute Mykhailo. Spécifiquement utilisé pour connecter différentes unités de forces sur le terrain. Par exemple, des officiers de reconnaissance peuvent ainsi communiquer avec l’artillerie. L’unité de drones Aerorozvidka revendique des centaines d’opérations contre les forces russes. Photo: Aerorozvidka Les informaticiens d’Aerorozvidka ont également créé un système de reconnaissance d’état appelé Delta, qui fonctionne désormais grâce à Starlink. Il s’agit d’un réseau de capteurs situés en première ligne et alimentant une carte numérique pour détecter les cibles potentielles. Chaque jour, les Russes tentent d’attaquer cette plateforme, raconte le pilote du drone. L’unité manque encore d’équipements militaires et informatiques qui lui permettraient d’être plus efficace. Il s’appuie également sur le financement participatif pour le faire fonctionner. Nous avons besoin d’équipements dont le rendement est limité, comme les modems, les matrices numériques ou les caméras thermiques, explique Mykhailo. Convaincre les éléments les plus conservateurs des forces ukrainiennes d’utiliser des drones civils dans les conflits armés a également été un défi. L’unité a également été dissoute par le ministre de la Défense en 2019, pour rouvrir en octobre dernier. L’héritage de l’Union soviétique est encore très présent dans notre armée, déplore Mykhailo. Certains généraux ne comprennent pas notre travail et ce que nous voulons réaliser. Mais depuis le début de la guerre, la situation s’est beaucoup améliorée.
unité romantique
Professeur adjoint à l’Université d’Ottawa, Jean-François Ratelle rappelle qu’Aerorozvidka est une goutte d’eau dans l’effort de guerre de l’Ukraine. C’est la partie émergée de l’iceberg d’une bien plus grande histoire, explique l’expert militaire spécialiste du Caucase. L’armée a équipé toutes les unités d’artillerie d’avions sans pilote, mais il y a toujours une réticence à abuser de l’équipement commercial. Pour autant, il ne remet pas en cause l’apport des pilotes de drones bénévoles. Il fait partie d’un nouveau répertoire offert aux résistants, observe-t-il. C’est une façon de faire la guerre de manière asymétrique. Il démocratise le ciel. Le portrait romantique de combattants contrôlant des drones politiques devant les chars du Kremlin marque aujourd’hui le fantasme occidental. C’est l’image de l’homme ordinaire utilisant une technologie civile qui peut être achetée dans une grande boîte pour combattre l’une des plus grandes armées du monde. Il représente véritablement la contribution de chaque Ukrainien à la défense de la nation. À long terme, la Russie peut avoir un avantage technologique et numérique, mais à long terme, vous ne pouvez pas gagner une guerre contre toute une population. Cette section y fait référence. Aerorozvidka se prépare maintenant à l’attaque russe annoncée sur l’est de l’Ukraine. Quant à la routine quotidienne des opérateurs de l’unité, lorsqu’on leur demande s’ils profitent de la journée pour se reposer alors que la plupart des opérations sont effectuées la nuit, la réponse de Mykhailo est on ne peut plus claire : nous ne dormons jamais !