Tout observateur du débat parlementaire vous dira que lorsqu’un parti parvient à faire passer un amendement à un projet de loi, il est extrêmement rare – si jamais on le voit – de supplier les autres partis de le retirer. Je parle de cette idée (excellente, soit dit en passant!) d’obliger les étudiants qui fréquentent le cégep anglais à suivre au moins trois cours en français. Il a été inclus dans les 27 propositions du PLQ pour le renforcement de la langue officielle, qui ont été présentées en avril 2021, avant le dépôt du projet de loi 96 de la CAQ. Le PLQ voulait « améliorer l’offre de cours » en français au cégep anglais. Cela « ne devrait pas se limiter aux cours de français langue seconde, mais devrait être encouragé, en incluant au moins trois cours de français offerts dans chaque programme ». Au départ, les anglophones de la communauté historique, les « ayants droit », n’étaient pas influencés par la proposition des libéraux. Mais le 23 février, lors d’une étude détaillée du projet de loi 96, les libéraux Hélène David et David Birnbaum ont insisté pour que les “ayants droit” soient assujettis à cette règle des trois cours “obligatoires”. Une fois l’amendement adopté, Birnbaum a chanté les louanges d’Hélène David : « Je me permets de constater notre fierté de proposer cet amendement, et j’applaudis ma collègue Marguerite-Bourgeoys pour leurs efforts. » Hélène David a parlé d’« un compromis terrible, historique, sur le fait que les choses peuvent se passer en français au cégep anglais ». Birnbaum s’est vanté d’une mesure qui assure “le rayonnement”, “la protection et la sécurité de notre langue française”. Le projet de loi 96 suscitait déjà un tollé dans les communautés anglophones. Maintenant, le parti prétendant être leur voix y a été ajouté. Le tollé a été tel que l’idée d’un parti Égalité 2.0 est réapparue en Estrie. En termes d’intentions de vote, le PLQ perd dans toutes les mesures : le vote français chute à 11 %. Mais innovation : chez les électeurs anglophones du PLQ, la baisse est de 13 points ! (Lumière du 11 mars) Dominique Anglade n’avait plus le choix, il devait exiger le retrait du “grand compromis historique”. Tout était question de galerie. Il savait très bien que ni le gouvernement ni les autres partis ne reculeraient. Mardi, il a expliqué douloureusement dans les deux langues du Dominion que ce que le PLQ avait proposé n’était finalement “pas valable”. En anglais, il a ajouté que la mesure “met en danger l’avenir de certains jeunes”. (Le français, c’est vraiment risqué…) Bref, le PLQ “aurait dû travailler plus en amont avec les groupes anglophones”. Le président du Parlement québécois, Gabriel Nadeau-Dubois, a peut-être été le plus meurtrier de l’épisode. Se souvenant des soi-disant virages récents du PLQ d’Anglade (vert, progressiste, nationaliste), il a donné ce coup : « Tout ça […] Ce sont de beaux slogans, mais j’ai peu de nouvelles pour Dominique Anglade, il n’y a pas de sondage dans la vie qui remplace les croyances. »