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“Cette femme a fait confiance à un médecin, à la police, à un conseiller, à un thérapeute, à des procureurs, à un avocat civil et à des juges pour la protéger et la sortir du cycle de la violence domestique, mais… c’est toute la société qui a n’a pas réussi à protéger cette femme et sa famille », résume Me Alain Manseau, dans son enquête sur la mort d’une femme et de ses deux enfants, tués à Pointe-aux-Trembles par le père, qui s’est suicidé.
Le 10 décembre 2019, Nabil Yssaad a sauté du 6e étage d’un hôpital près de Joliette. Incapable de contacter des proches pour signaler le décès, la patrouille policière de Montréal a finalement pénétré dans la résidence de son ex, Daya Khelaf.
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L’homme et Axila
théâtralement
Dans la chambre principale, une scène d’horreur. La mère et ses enfants, Aksil, deux ans, et Adam, quatre ans, étaient allongés dans leur lit. Les corps avaient été éliminés “avec art et théâtre”, a écrit le coroner. Les victimes ont été étranglées, peut-être avec les fils d’un appareil électronique.
Ils n’avaient ni KO ni drogue. Ils n’ont pas non plus lutté, suggérant qu’ils ont été tués dans leur sommeil, note le coroner dans ses rapports détaillés, qui seront publiés demain, et dont Le Journal a obtenu une copie.
Après avoir commis l’irréparable, le père de famille de 46 ans serait parti dans Lanaudière, aurait jeté son dévolu sur le plus haut édifice, “prenant ainsi le dernier contrôle de sa vie avec un bond vers la mort”.
Cinq jours avant le drame, Nabil Yssaad a perdu la garde de ses enfants. Le même jour, il a été acquitté des menaces de mort et de l’agression à main armée contre son ex. Désormais, elle a refusé de témoigner contre lui, mais un procureur n’essaierait jamais de savoir pourquoi ni même de la persuader, a déploré le coroner, qui a relevé plusieurs manquements des acteurs judiciaires dans cette affaire.
Au lieu de cela, les parties ont choisi de faire signer à l’homme un engagement de ne plus la contacter, en appelant le “810”, reconnaissant que sa femme avait des raisons de craindre pour sa vie.
Une mesure “placebo”, qui s’est avérée inutile.
désir de vengeance
« Perdant tout contrôle sur la vie quotidienne de sa femme, de ses enfants et de la sienne sur décision de justice, aveuglé par sa propre violence, son ressentiment et son désir de venger la perte de contrôle sur sa femme et sa famille, M. projette probablement [les meurtres] dans les prochains jours”, résume le médecin légiste.
Soupçonnant depuis longtemps un problème de santé mentale chez son mari, et victime de ses violences, Mme Khelaf a pourtant multiplié les demandes d’aide, en vain. Par exemple, le médecin a suggéré qu’elle “ne contrarie pas son mari ou ne le pousse pas à la limite”.
Aucun filet
Selon le coroner, les victimes auraient pu être sauvées si M. Yssaad lui avait imposé un bracelet électronique de géolocalisation : le soir du drame, la police aurait pu l’intercepter.
Même si les victimes n’ont pas pu être sauvées, le coroner ne s’en prend pas directement aux intervenants, mais plutôt au système : “Cette famille n’a pas pu bénéficier d’un filet de sécurité social et juridique probant… car il n’y avait pas de filet de ce mandat non il existait en 2019 », dit-il.
Et si des mesures ont été prises depuis, comme la Cour spécialisée dans les violences conjugales, il faut éliminer le travail en silos, estime-t-il.
Alain Manseau a émis plusieurs recommandations à dix organismes, dont le DPCP, le ministère de la Justice et la juge en chef de la Cour du Québec.
“Le familicide n’est pas un fait divers, mais un problème de société”, ajoute-t-il.
Un geste théâtral motivé par la vengeance contre la justice
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La police a découvert les corps de Dahia Khellaf et de ses enfants à leur domicile de Pointe-aux-Trembles le 11 décembre 2019. Le drame, survenu quelques jours seulement après qu’un père non loin de là a tué ses deux enfants et s’est suicidé, en avait choqué plus d’un. d’un.
Après avoir abandonné les corps assassinés de sa famille, Nabil Yssaad a vraisemblablement laissé dans le sac à main de sa femme la copie des documents judiciaires lui interdisant de les approcher.
Un véritable pied de nez à la justice et au système de protection qu’il a su contourner immédiatement, estime le coroner Manseau.
« Un cynique, c’est comme ça qu’il se venge du pouvoir. Il voulait probablement prouver qu’il avait le pouvoir ultime de vie et de contrôle sur sa femme, ses enfants et lui-même », écrit-il dans les rapports d’enquête.
Le document en question est la “copie de l’accusé” de l’ordonnance en vertu de l’article 810 signifiée à M. Yssaad devant un tribunal de Montréal cinq jours avant le drame, lui interdisant d’approcher sa victime. Selon le médecin légiste, il est très probable que l’homme violent ait lui-même mis le document dans le sac de son ex, laissé près de la porte de sa chambre, après l’avoir étranglée.
mépris de la justice
Le coroner n’a pas été tendre avec les procureurs criminels et criminels qui ont réussi dans ce dossier tout juste clos. Elle leur reproche de ne pas avoir pris la peine d’imposer des conditions plus strictes au mari violent afin de protéger la victime.
D’autant que M. Yssaad avait, à de nombreuses reprises, fait preuve de mépris envers la justice. Il a menti sur son adresse, a négligé de se soumettre à une évaluation psychiatrique malgré les recommandations d’un policier, d’un intervenant psychosocial et de médecins, et a été de nouveau arrêté en cours de procédure pour non-respect des conditions.
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Nabil Yssaad, assassin mort
D’ailleurs, le jour de son acquittement, il a une nouvelle fois montré son arrogance vis-à-vis de la justice : lorsque le juge lui a demandé s’il entendait respecter l’interdiction de communiquer avec sa victime, il a répondu qu’il communiquait déjà et voyait les enfants.
Néanmoins, aucune condition plus lourde n’a été imposée, dans le but de protéger la victime. Cinq jours plus tard, il passe à l’action.
“Parce que ces omissions n’ont pas fait suspecter au procureur et/ou au tribunal le penchant de M. Yssaad pour les farces et le risque évident que cet homme ne respecte pas les termes de son engagement à se faire imposer par un 810, comme l’ont déjà démontré sa désobéissance aux conditions de la libération conditionnelle à plusieurs reprises? demande le coroner.
Terrifié pendant des années qu’il la tue
Au cours de sa relation toxique avec son mari violent, Dahia Khellaf a déjà trouvé un couteau dans son lit. Interrogé à ce sujet, Nabil Yssaad a simplement répondu : « C’est vrai. » À l’été 2018, la femme s’est rendu compte que si elle restait proche de son mari, sa vie était en danger, notait le coroner Alain Manseau dans ses rapports sur cette famille décimée en décembre 2019. Constamment bouleversé, l’homme a eu des réactions disproportionnées et violentes à son égard. Sa peur était constante, à tel point qu’à un moment donné, alors qu’ils faisaient le ménage et qu’une bagarre avait éclaté, elle a eu le réflexe “instinctif” de donner un coup de pied dans un tournevis qui se trouvait à proximité. Des menaces de mort Afin de bien comprendre comment la relation entre Nabil Yssaad et Dahia Khellaf a pu se terminer dans un bain de sang, Me Alain Manseau a en effet dressé un portrait de leur situation amoureuse et familiale. Après un mariage arrangé en Algérie en 2012, l’homme est venu rencontrer la femme au Québec deux ans plus tard. Une fois arrivée, elle est jalouse, contrôlante et condescendante envers elle. La femme est plutôt décrite comme ouverte sur le monde moderne et autonome. Lors des combats, elle utilise la psychologie et essaie de rester calme pour désamorcer la situation. Mais la violence s’intensifie. Il a menacé de lui arracher l’œil avec des ciseaux, l’a jetée à terre lors d’un banal…